sacha78 a écrit:Pour ma part et peut être ma génération, nous ne sommes plus habitués à effectuer nos multiplications et divisions sans l'aide d'une calculatrice.
C'est comme tout, ça s'apprend. Si vous passez des heures à réviser la physiologie, des heures à vous entraîner à présenter un sujet, vous pouvez passer du temps à faire des calculs. Vous l'avez déjà appris, ça ne sera qu'une réactivation. Et au concours, ça rapporte des points.
Allez, un petit couplet pour la défense du calcul mental... Nous faisons, nous avons fait et nous ferons des erreurs de calcul dans notre vie professionnelle. La plus grande partie sera rattrapée avant l'action (l'injection, le réglage du pousse-seringue...). Certaines conduiront à un résultat aberrant et seront ainsi mises en évidence (par exemple, si le volume de calciparine à injecter en sous-cutané calculé est 100 mL, on va se douter qu'il y a erreur ;-). Un certain nombre ne seront pas rattrapées et conduiront à des erreurs d'administration, mais comme les patients sont résistants, ça n'aura pas de conséquences (et pour certaines, on ne s'en apercevra même pas). Les erreurs les plus importantes à éviter sont donc celles qui auront des conséquences. Ça va faire mauvais genre, mais si j'injecte 18 mL au lieu de 15 ou de 20 mL, dans la plupart des cas, ça n'aura aucune conséquence. Ce qui peut avoir des conséquences graves, ce sont les erreurs d'un facteur 2, 5 ou 10. Ce sont donc en priorité celles-là qu'il faut chercher à éviter.
La calculette ne garantie pas contre ces erreurs : on peut se tromper de chiffre, voire sur la place de la virgule. Le calcul mental non plus n'est pas une garantie. Mais alors, que faut-il faire ? Il faut utiliser deux moyens, voire plus. Quand j'administre un médicament que je n'ai pas l'habitude d'administrer, je fais mon calcul, je le vérifie, et je demande à une personne de me dire si le résultat lui semble logique, habituel, ou stupide.
Allez, exemple avec un calcul de SAP. Le médecin prescrit de la dobutamine en continu au débit de 5 µg/kg/min à un patient de 70 kg. La seringue doit être préparée pour 8 h.
Il y a deux problèmes à résoudre :
-décider d'un débit (et donc d'un volume), ou décider d'un volume (et donc d'un débit) ;
-calculer la dose de dobutamine que le patient doit recevoir en 8 h.
Je décide de préparer une seringue de 40 mL, débit 5 mL/h.
Le patient reçoit 5 µg/kg/min, soit 5 x 70 = 350 µg par minute. Pour obtenir la dose par heure, je dois multiplier par 60. Plusieurs façons de faire :
-le calcul à faire est 5 x 70 x 60 ; je le décompose en 6 x 7 x 5 x 100 ; 6 x 7, ça devrait aller sans calculette, ça fait 42
(la réponse à la question sur la vie, l'univers et le reste) ; Pour multiplier par 5, je multiplie par 10 et je divise par 2 (dans l'ordre qu'on veut). 42 divisé par 2, 21, fois 10, 210, que je multiplie par 100, 21 000. Ce sont des µg, je divise par 1 000 et j'obtiens des mg/h, 21 mg/h ; pour multiplier par 8, je multiplie trois fois de suite par 2, 21 x 2 = 42, 42 x 2 = 84, 84 x 2 = 168, il me faut 168 mg de dobutamine ;
-je peux rechercher directement le résultat, 5 x 70 x 60 x 8, le tout divisé par 1 000 pour obtenir des mg ; 5 x 8 = 40, il faut donc calculer 40 x 70 x 60 et diviser le résultat par 1 000 ; donc il faut calculer 4 x 7 x 6 ; 6 x 7 = 42, que je multiplie deux fois par 2, 168 ;
-je peux vérifier rapidement que mon calcul n'est pas aberrant ; pour ça, je me souviens que pour un patient de 69 kg, 0,25 µg/kg/min correspond à 1 mg/h (c'est un repère, j'ai fait ce calcul il y a longtemps et j'ai retenu le résultat) ; 5 µg/kg/min, c'est 20 fois plus que 0,25 µg/kg/min ; le débit horaire est donc voisin de 20 mg/h (puisque 70 kg est voisin de 69 kg) ; ça tombe bien, c'est ce que trouve mon résultat précédent.
Reste à prélever 168 mg dans mon flacon de dobutamine qui contient 250 mg dans 20 mL. Dans la vraie vie, je peux diluer 250 mg de dobutamine dans 25 mL et en garder un tout petit peu moins de 17 mL. Ou pour être un peu plus précis, diluer 250 mg de dobutamine dans 50 mL et garder 33,5 mL. Mais pour le calcul théorique, ça risque de ne pas plaire... Que nous dit la règle de proportionnalité ? S'il y a 250 mg dans 20 mL, comme je cherche à administrer des mg, je vais me poser la question « combien faut-il que j'injecte pour injecter 1 mg ? ». 250 fois moins que pour injecter 250 mg. Donc le volume contenant 1 mg est 20/250 mL (non, je ne prélèverai pas ce volume, c'est juste un calcul). Comme j'ai besoin de 168 mg, je prélève 168 fois plus que pour 1 mg, soit (168 x 20)/250. Je supprime un 0 en haut et en bas de mon rapport, le calcul à effectuer est 168 x 2/25. De tête, 168 x 2, c'est (160 x 2) + (8 x 2) = 336. Pour diviser par 25, je multiplie par 4 et je divise par 100. 336 x 2 = 672, multiplié à nouveau par 2, ça fait 1 344. Je divise ce résultat par 100. Mon volume à prélever est donc 13,44 mL, généreusement arrondi à 13,5 mL.
Pour vérifier l'ordre de grandeur, je peux me dire que 168 mg, c'est plus de la moitié de 250 mg, et 13,44 mL également.
Vous n'êtes pas totalement largué ? Vous ne me prenez pas encore pour un fou ? Allez, j'en rajoute une couche. Au départ, il y a deux contraintes : le débit de médicament (qui dépend du poids du patient et de la prescription), et la durée de la seringue. J'ai commencé par choisir un volume et un débit et j'ai choisi 5 mL/h. Or le patient doit recevoir 5 µg/kg/min. Tilt !
(c'est le résumé de « ça a fait tilt dans mon esprit) Je connais une autre façon de procéder qui permet d'administrer 5 µg/kg/min à un patient en réglant le débit de la seringue à 5 mL/h. Il faut pour ça diluer 3 mg/kg de dobutamine dans 50 mL. En toute logique, je devrais obtenir la même concentration par ces deux méthodes. Vérifions.
Avec la méthode de 3 mg/kg dans 50 mL, je dilue 3 x 70 = 210 mg dans 50 mL. Soit 210/50 = 21/5 = 21 x 2/10 = 4,2 mg/mL. Dans ma seringue de 40 mL, j'ai calculé qu'il devait y avoir 168 mg. 168/40 = 16,8/4 = 8,4/2 = 4,2 mg/mL. J'ai bon !
En résumé, s'entrainer au calcul, outre le fait de vous apporter des points au concours, vous permettra de vérifier vos calculs faits avec la calculette, voire de faire des calculs le jour où la calculette ne fonctionne pas. Et pour la très grande majorité des calculs, ça va beaucoup plus vite que de sortir le portable, le déverrouiller, rechercher l'application, faire le calcul, éteindre le portable, le ranger...