Questionnement sur la pratique au quotidien

Questions techniques, théoriques, le biomédical...

Modérateur : Marc

Ozecur
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Questionnement sur la pratique au quotidien

Message : # 80415Message non lu Ozecur »

Bonjour à toutes et à tous

Je suis étudiant IADE en première année et j’avais quelques questions de cours ou simplement de « réflexion ». Vous trouverez surement des questions dont les réponses vous paraissent évidentes. Je m’intéresse juste simplement sur ma future pratique au quotidien.

Concernant les solutés de remplissage :

Le Ringer Lactate : dans nos cours, il est déconseillé de l’administrer en cas d’hyperkaliémie, Insuffisance rénale. D’après la RCP sur le site de l’ASNM également.
Mais d’après des études réalisées sur l’utilisation du ringer en per opératoire, ces contre-indications seraient obsolètes. ( ci-joint blog Médical de NFKB = http://www.nfkb0.com/2014/10/01/le-ring ... e-le-sale/)

J’aurai tendance à résonner comme dans le blog mais , vous , dans votre pratique au quotidien, comment l’utilisez-vous ?

Autre point, j’ai à plusieurs reprisé été « fouetté » par des MAR ou IADE lorsque je perfuse des patients diabétiques avec ce même ringer « attention malheureux !!!! tu vas lui créer une acidose lactique ». Argument que j’ai du mal à comprendre étant donné que pour moi, le métabolisme des lactates et de l’acide lactique est différent. Une acidose lactique est t’elle une acidose d’un coté et de l’autre une hyperlactatémie sans lien de cause à effet ?


Les HEA : Type Voluven ou restosolv : pour l’insuffisance rénale avec le risque de néphropathies osmotiques. Des études ont montré qu’il n’y avait pas d’incidence sur la fonction rénale pour des volumes perfusés inférieurs à 1500ml. Mais en peropératoire, chez un patient avec un DFG inférieur 90, vous l’utilisez ? dans quels cas êtes-vous amenés à l’utiliser ? Vous préféré systématique utiliser des médicaments vasoactif que d’utiliser un HEA ?


Isofundine : Je n’ai pas eu l’occasion d’en voir au bloc opératoire durant ma très longue expérience de 2 stages au bloc mais je voulais savoir si certain bloc l’utilise.


Concernant les anesthésies avec non accès à la tête :

La fixation de sonde avec les partisans de « moi vivant, personne n’arrachera cette sonde !!! Surtout avec le rouleau de scotch que j’ai enroulé autour, une sonde bien fixée tu peux lui lever la tête en tirant par la sonde » ou bien « regarde la !!! si tu scotch tout bin forcement si on tire il s’extube, moi je préfère serrer tous les raccords sauf un en distal ».

« on ne colle pas du scotch sur du scotch » :smiley_aanz:

Je ne sais pas quoi penser, je trouve que les deux techniques ont leur point forts et leurs justifications. Ca c’est de la question existentielle !!!


Hypnotiques

Propofol : Beaucoup mélange le propofol avec 10 à 20mg de lidocaine
- Est – ce réellement utile ? j’avais notion qu’il fallait un garrot en place pour une efficacité sur douleur à l’injection.
- Peut-on mélanger les deux sans risque d’altération des propriétés pharmacocinétiques ? il ne faudrait pas déjà injecter la lidocaïne puis le propofol ?

Etomidate : « au final, il dors ou il dors pas ? »
J’ai vu plusieurs cas de figure, mélange avec propofol, dose en dessous ainsi que doses au-dessus des 0.2 à 0.4 mg/kg à l’induction.
Le mélange avec un autre hypnotique, j’ai l’impression que l’on perd les bénéfices attendus de la seule utilisation de l’étomidate ( est ce qu’on limite la vasodilatation ?)

Médicaments vasoactifs

Dans le cas d’une hypotension réfractaire au remplissage vasculaire. Je vois régulièrement le schéma
Ephédrine -> Phényléphrine -> Noradrénaline

Vous arrive-t-il de passer directement à la néo ou à la noradré ?

Je me demandais, utiliser toutes les réserves du patient en catécholamines endogènes par l’utilisation systématique de l’ephédrine n’est-elle pas délétère par exemple si le patient fait une hémorragie ou bien même pour le post op ?




Bon voilà j’en ai plein d’autres mais bon je ne vais pas tout balancer d’un coup pour une première

Merci d’avance
Yves Benisty
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Re: Questionnement sur la pratique au quotidien

Message : # 80416Message non lu Yves Benisty »

Ozecur a écrit :Concernant les solutés de remplissage :

Le Ringer Lactate : dans nos cours, il est déconseillé de l’administrer en cas d’hyperkaliémie, Insuffisance rénale. D’après la RCP sur le site de l’ASNM également.
Mais d’après des études réalisées sur l’utilisation du ringer en per opératoire, ces contre-indications seraient obsolètes. ( ci-joint blog Médical de NFKB = http://www.nfkb0.com/2014/10/01/le-ring ... e-le-sale/)
Je n'avais pas connaissance de ces études. De ce que j'ai vu, on évite le RL s'il y a hyperkaliémie documentée ou suspectée.
Ozecur a écrit :Autre point, j’ai à plusieurs reprisé été « fouetté » par des MAR ou IADE lorsque je perfuse des patients diabétiques avec ce même ringer « attention malheureux !!!! tu vas lui créer une acidose lactique ». Argument que j’ai du mal à comprendre étant donné que pour moi, le métabolisme des lactates et de l’acide lactique est différent. Une acidose lactique est t’elle une acidose d’un coté et de l’autre une hyperlactatémie sans lien de cause à effet ?
Il y a plusieurs réponses possibles :

-en premier lieu, est-ce que ça vous plaît d'être fouetté (les coups et les douleurs ne se discutent pas) ?

-ne pourrait-on pas remplacer tous les solutés salés par du sérum salé à 0,9 % dans la très grande majorité des anesthésies, qui concernent des patients ASA 1 ou 2, de la chirurgie courte et non hémorragique ?
Ozecur a écrit :Les HEA : Type Voluven ou restosolv : pour l’insuffisance rénale avec le risque de néphropathies osmotiques. Des études ont montré qu’il n’y avait pas d’incidence sur la fonction rénale pour des volumes perfusés inférieurs à 1500ml. Mais en peropératoire, chez un patient avec un DFG inférieur 90, vous l’utilisez ?
En pratique, on étend les précautions aux insuffisants rénaux, y compris ceux qui ont un DFG normal ou quasi-normal.
Ozecur a écrit :Vous préféré systématique utiliser des médicaments vasoactif que d’utiliser un HEA ?
Ça n'est pas la même indication. Sur un patient vide, il faut restaurer la volémie. Sur un patient vasoplégié, il faut resserrer les vaisseaux. Sur un patient dont la contractilité est effondrée, il faut augmenter la contractilité.
Ozecur a écrit :Isofundine : Je n’ai pas eu l’occasion d’en voir au bloc opératoire durant ma très longue expérience de 2 stages au bloc mais je voulais savoir si certain bloc l’utilise.
Jamais vu. Cf. ma réponse précédente : est-ce que ça change quelque chose dans la plupart des cas ?
Ozecur a écrit :La fixation de sonde avec les partisans de « moi vivant, personne n’arrachera cette sonde !!! Surtout avec le rouleau de scotch que j’ai enroulé autour, une sonde bien fixée tu peux lui lever la tête en tirant par la sonde » ou bien « regarde la !!! si tu scotch tout bin forcement si on tire il s’extube, moi je préfère serrer tous les raccords sauf un en distal ».
Quelle que soit la situation, la fixation de la SIT est un marronnier de l'anesthésie (et de l'anesthésiste et de l'iade). Demandez autour de vous combien de patients ont été extubés en peropératoire : très peu. J'ai le souvenir de deux :

-lors d'une gastroscopie sous AG chez un enfant, l'opérateur a extubé le patient en retirant le fibroscope sans prévenir personne ;

-lors d'une chirurgie de la bouche (fente palatine ou labiale, je ne sais plus), l'opérateur a extubé le patient en retirant le champ opératoire ; dans ce cas, une compresse dépliée posée sur la sonde avant de coller le champ opératoire aurait pu prévenir le problème, mais le principal problème dans les deux cas est la communication entre chirurgien et anesthésiste.

La fixation de la sonde doit être stable et sûre, mais pas seulement dans la chirurgie sans accès à la tête. Malgré cela, il est toujours possible d'extuber un patient si on y met de la bonne volonté.
Ozecur a écrit :« on ne colle pas du scotch sur du scotch »
Ça c'est vrai. Si on met deux fixations de sonde, on ne place pas le sparadrap sur la peau au même endroit.
Ozecur a écrit :Propofol : Beaucoup mélange le propofol avec 10 à 20mg de lidocaine
Beaucoup vous diront « Ça marche ». Mon avis sur la question (mais vous aurez des avis différents) :

-il faut un délai pour que la lidocaïne agisse ; d'un point de vue pharmacologique, ça n'est pas logique ;

-il y a eu des études qui ont comparé plusieurs techniques pour diminuer les douleurs à l'injection du propofol ; de mémoire, on a comparé une pré-injection de lidocaïne, d'éphédrine, du morphinique prévu pour l'anesthésie, et de kétamine. Il me semble que la kétamine donnait les meilleurs résultats, mais il restait 30 % de patients qui avaient mal (au lieu de 40 % sans rien) ;

-en injectant de la lidocaïne, on ajoute un médicament à l'anesthésie, et donc un risque (effets de la lidocaïne, allergie, cumul des doses avec celles éventuellement utilisées par le chirurgien...) ; et vous avez raison d'évoquer le problème du mélange des deux médicaments dans la même seringue.
Ozecur a écrit :Etomidate : « au final, il dors ou il dors pas ? »
Là encore, vous verrez plein d'avis différents, et des partisans du propomidate et de l'étofol ;-)

Mon avis :

-choisir un hypnotique et un seul ; on connaît ses effets, et du coup on sait quel médicament fait quoi ;

-avec les techniques modernes (aivoc +/- BIS), mais également en poussant la seringue, il est possible d'induire un patient fragile au propofol (et même au thiopental) ;

-on peut faire autant d'étomidate qu'on veut au patient ; je ne sais pas s'il « dort » mieux, mais j'ai déjà vu faire six fois la dose sans aucun effet hémodynamique ;

-dans l'induction en séquence rapide, si on n'est jamais sûr que le patient a perdu conscience, on est toujours sûr qu'il ne bougera pas par l'injection de suxaméthonium...
Ozecur a écrit :Dans le cas d’une hypotension réfractaire au remplissage vasculaire. Je vois régulièrement le schéma
Ephédrine -> Phényléphrine -> Noradrénaline
1) L'utilisation du remplissage ou des vasoconstricteurs dépend de la situation, cf. supra.

2) Il y a eu un débat sur ce sujet ici.

3) Il peut y avoir autant d'avis que de personnes. Il faudrait pour avoir la réponse comparer des centaines de patients. On ne démontrera pas la supériorité sur la mortalité de telle ou telle recette de vasoconstricteur (seul ou en association). On va donc prendre des indicateurs indirects (PA et fréquence cardiaque le plus souvent, mais pour des raisons éthiques on ne posera pas de cathéter artériel à un patient venu pour de la chirurgie peu invasive). Et ces indicateurs indirects ne nous renseignent pas sur la microcirculation : qu'est-ce qui est le mieux pour que les tissus ne souffrent pas ?

Au total, vous avez bien raison de vous poser ces questions, vous n'avez pas fini de vous poser des questions de ce type, et vous obtiendrez plein de réponses différentes. À vous de vous faire votre avis, et soyons honnête, cet avis ne repose pas seulement sur des bases scientifiques indiscutables. C'est le mélange de l'avis d'expert et de la médecine basée sur des preuves, « l'éminence based medecine et l'evidence based medecine »...
Ozecur
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Re: Questionnement sur la pratique au quotidien

Message : # 80419Message non lu Ozecur »

Merci beaucoup pour la réponse

J'ai bien compris que finalement, on fait un peu à sa sauce et surtout en fonction des expériences et personnes rencontrées. Un problème me turlupine ( belle expression hein ?) ne pas rentrez dans des pratiques "routinières" de l'anesthésie : " je fais ça parce que je l'ai vu faire dans ma formation" . C'est pas une histoire d'aller à contre courant mais de s’intéresser exactement au pourquoi du comment.

Je vais continuer mes recherches et lire le topos sur l'hypotension. :-D

Pour revenir sur le ringer lactate et le SSI, effectivement sur des opérations de courte durée chez des patient ASA 1 ou 2 avec compensation du jeun et des pertes per op, il ne doit pas y avoir 15000 effets indésirables. Mais je m’intéresse aux "croyances" justifiées ou non liées à leurs utilisations.

Concernant la Kétamine avant l'injection du propofol, elle n'est pas à déconseillée avant l'induction vu les effets psy ? J'ai vu également des techniques de dilutions propofolique progressive avec le robinet proximal et la poche de ringer ( si vous avez un avis sur la technique et la diminution de la douleur, je suis preneur). A voir si je tombe sur un MAR ou un IADE apprenti sorcier

PS: un étudiant fouetté est un étudiant heureux
Yves Benisty
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Re: Questionnement sur la pratique au quotidien

Message : # 80418Message non lu Yves Benisty »

Petit complément de réponse, je viens d'écrire sur la pression artérielle.
Yves Benisty
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Re: Questionnement sur la pratique au quotidien

Message : # 80420Message non lu Yves Benisty »

Ozecur a écrit :Concernant la Kétamine avant l'injection du propofol, elle n'est pas à déconseillée avant l'induction vu les effets psy ?
La kétamine a des effets sur les récepteurs NMDA et agit sur la douleur à des doses infra-anesthésiques (à partir de 0,3 mg/kg, peut-être moins). Les effets psychodysleptiques ne sont pas observés pour des doses inférieures à 1 mg/kg.
Ozecur a écrit :J'ai vu également des techniques de dilutions propofolique progressive avec le robinet proximal et la poche de ringer
Oui, il semble que le propofol donne moins de douleur à l'induction quand il est injecté dans le flux d'une perfusion. Mais encore une fois, c'est « il semble ».

Je ne pense pas qu'il s'agisse de jouer à l'apprenti sorcier. Vous vous en rendez compte, si une bonne part de nos pratiques repose sur des éléments solides, une autre part repose sur des impressions, des habitudes, voire des effets conjuratoires (je prépare l'atropine, comme ça je n'ai pas à m'en servir). Au total, on fait comme on peut...

Mais globalement, c'est quand même la tête qui guide la main. Et la remise en cause de ses pratiques permet de faire avancer le schmilblick, même si c'est parfois déroutant.
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