Extubation précoce et autonomisation de la respiration

Questions techniques, théoriques, le biomédical...

Modérateur : Marc

Yves Benisty
Messages : 2375
Enregistré le : 27 mars 2004, 16:39
Localisation : ici

Re: Extubation précoce et autonomisation de la respiration

Message : # 85941Message non lu Yves Benisty »

polx a écrit :Un moyen de le montrer ? L’observation des signes cliniques rencontrés par le patient hypercapnique, tant objectifs que subjectifs il me semble.
Si vous parlez de « l'inconfort de l'hypercapnie », il faut demander au patient si il ressent un inconfort, déterminer s'il est en hypercapnie, et montrer que ceux qui sont en hypercapnie ressentent un inconfort différent de ceux qui ne sont pas en hypercapnie.

Le retard à la reprise de la ventilation spontanée, je l'ai constaté maintes fois. Le patient est sur le circuit machine ou sur un ballon, il ne ventile pas, le capnographe montre de très légères oscillations liées probablement aux mouvements de l'aorte abdominale (qu'on appelle souvent « micro-ventilation »). On réalise une ventilation manuelle pour voir où il en est, la PteCO2 est à 45 mmHg, et il ne ventile toujours pas.

À ce stade, j'ai vu plusieurs techniques, ventilation contrôlée à faible fréquence (par exemple 6 cycles par minute, penser à ajuster le I/E), ne rien faire et attendre tant que le patient ne désature pas (j'ai vu un anesthésiste qui s'était fixé comme limite quatre minutes), mettre le patient en aide inspiratoire… Ou le passer en SSPI, qui gèrera l'extubation ;-) (avec des fois un truc totalement incohérent, on lui injecte un nuage de lait pour qu'il ne s'agite pas sur le brancard pendant le transfert).

Comprenez bien mon propos : vous souhaitez éviter au patient d'être hypercapnique, votre objectif est tout à fait légitime.

Mais peut-être avez-vous rencontré le MAR qui entre dans votre salle en cours d'anesthésie (il n'y fera que de très court passages) et qui modifie de 10 mL le Vt ou de deux cycles la fréquence, et qui vous fait un cours sur la ventilation, assorti de quelques principes du style « c'est plus physiologique de faire ainsi » (comme si la ventilation artificielle était physiologique).
polx
Messages : 47
Enregistré le : 05 juil. 2015, 15:06
Poste occupé actuellement : EIA 2°A

Re: Extubation précoce et autonomisation de la respiration

Message : # 85942Message non lu polx »

Si vous parlez de « l'inconfort de l'hypercapnie », il faut demander au patient si il ressent un inconfort, déterminer s'il est en hypercapnie, et montrer que ceux qui sont en hypercapnie ressentent un inconfort différent de ceux qui ne sont pas en hypercapnie.
Une ébauche de design d'étude, c'est beau. A retenir pour l'avenir.
Le retard à la reprise de la ventilation spontanée, je l'ai constaté maintes fois. Le patient est sur le circuit machine ou sur un ballon, il ne ventile pas, le capnographe montre de très légères oscillations liées probablement aux mouvements de l'aorte abdominale (qu'on appelle souvent « micro-ventilation »). On réalise une ventilation manuelle pour voir où il en est, la PteCO2 est à 45 mmHg, et il ne ventile toujours pas.
On ne parle de "retard" que lorsque l'on connait exactement la survenue d'un événement prévu, or en anesthésie nous avons depuis maintenant plusieurs années des modes ventilatoires qui permettent de suppléer cette phase "d'attente". Pourquoi s'en priver ? Pour gagner 1 min 50 ? 3 min ?
mettre le patient en aide inspiratoire…
Enfin une idée qu'elle est bonne !
Ou le passer en SSPI, qui gèrera l'extubation ;-) (avec des fois un truc totalement incohérent, on lui injecte un nuage de lait pour qu'il ne s'agite pas sur le brancard pendant le transfert).
Oui si on ne veut pas s'enticher de la phase de réveil afin de "gagner du temps", comme dans certaines cliniques. "Rendors le, ils l'extuberont la bas..." :bravo:
(Je ne parle pas ici des patients nécessitant une aide respi : curarisation, hypothermie, etc. Que la SSPI pourra en effet gérer).
Mais peut-être avez-vous rencontré le MAR qui entre dans votre salle en cours d'anesthésie (il n'y fera que de très court passages) et qui modifie de 10 mL le Vt ou de deux cycles la fréquence, et qui vous fait un cours sur la ventilation, assorti de quelques principes du style « c'est plus physiologique de faire ainsi » (comme si la ventilation artificielle était physiologique).
Je le répète, chacun sa cuisine (le lieu dans ce cas la).

Si quelqu'un (MAR ou autre) vient me modifier le Vt de 10mL ou la FR de 1 ou 2 cpm je le laisserai faire (si ça peut lui rendre la vie plus douce), cependant s'il vient me mettre le patient en apnée, ou à une FR = 6 cpm ce sera un autre débat :wink: ...
Yves Benisty
Messages : 2375
Enregistré le : 27 mars 2004, 16:39
Localisation : ici

Re: Extubation précoce et autonomisation de la respiration

Message : # 85943Message non lu Yves Benisty »

polx a écrit :On ne parle de "retard" que lorsque l'on connait exactement la survenue d'un événement prévu
Pour un patient ayant éliminé les médicaments susceptibles de déprimer ses centres respiratoires et ayant une PteCO2 à 40 mmHg, la survenue de la reprise de la ventilation spontanée, c'est tout de suite. Donc s'il ne reprend une VS qu'une ou deux minutes après, ou bien avec un niveau de PteCO2 plus élevé, 45, 50 mmHg, mais là, en écrivant ça, je vais vous faire attraper des boutons, on peut parler de retard.
polx a écrit :Je le répète, chacun sa cuisine
Ben voilà. Alors, mettre un peu d'apnée (une ou deux minutes, sans désaturation) dans la cuisine, ça ne me choque pas plus que ça.

Les respirateurs d'anesthésie actuels ont des possibilités que les respirateurs d'avant n'avaient pas. A contrario, certains outils ont tendance à disparaître. Par exemple, la valve de Digby Leigh. Quand le patient a une ventilation spontanée, on entend la douce musique de la valve. S'il n'a pas de ventilation spontanée, on pose un doigt sur l'orifice, et quand le ballon se gonfle, le patient reçoit un petit volume de gaz.

Cela dit, ça n'est pas parce qu'on a la possibilité de faire de l'aide inspiratoire qu'on est obligé de l'utiliser. Entre l'induction en aide et le réveil en aide, on ne refile plus un seul coup de ballon au patient. Moi j'aime bien sentir le poumon au bout du ballon.
huss
Messages : 148
Enregistré le : 31 janv. 2009, 18:17
Année de diplôme IADE : 0
Poste occupé actuellement : EIA

Re: Extubation précoce et autonomisation de la respiration

Message : # 85944Message non lu huss »

Yves Benisty a écrit : Entre l'induction en aide et le réveil en aide, on ne refile plus un seul coup de ballon au patient. Moi j'aime bien sentir le poumon au bout du ballon.
Comment déterminez-vous la pression d'insufflation ou de plateau lorsque vous utilisez un ballon ?
Les respirateurs anesthésie sont de plus en plus performants, pourquoi s'en priver?

Je préfère connaître la pression de mes pneus grâce à mon ordinateur de bord plutôt qu'en me salissant les mains en appuyant directement sur le pneu avec un resultat, disons le, peu certain....
Yves Benisty
Messages : 2375
Enregistré le : 27 mars 2004, 16:39
Localisation : ici

Re: Extubation précoce et autonomisation de la respiration

Message : # 85945Message non lu Yves Benisty »

huss a écrit :Comment déterminez-vous la pression d'insufflation ou de plateau lorsque vous utilisez un ballon ?
C'est la limite de la technique. Il vaut mieux travailler avec un ballon assez vide. Une technique alternative consiste à utiliser le circuit machine en réglant la valve APL : on dispose d'une soupape d'échappement qui nous empêchera de dépasser un niveau de pression délétère, et du monitorage de la pression avec le circuit machine.

Le soulèvement de la cage thoracique est un bon indicateur. Le nombre de doigts utilisé pour appuyer sur le ballon est également un indicateur. En utilisant de façon prudente ces techniques, on mémorise les sensations dans ses mains.
huss a écrit :Les respirateurs anesthésie sont de plus en plus performants, pourquoi s'en priver?
Parce qu'on n'en dispose pas toujours, parce que ça tombe en panne, parce qu'ils ne permettent pas de « sentir » la rigidité thoracique.

Tenez, un exemple de cas où on est contraint d'appuyer sur le ballon, c'est en smur, quand on n'a pas encore mis le respirateur en route... Ou en cas de panne du respirateur...
polx
Messages : 47
Enregistré le : 05 juil. 2015, 15:06
Poste occupé actuellement : EIA 2°A

Re: Extubation précoce et autonomisation de la respiration

Message : # 85946Message non lu polx »

Pour un patient ayant éliminé les médicaments susceptibles de déprimer ses centres respiratoires et ayant une PteCO2 à 40 mmHg, la survenue de la reprise de la ventilation spontanée, c'est tout de suite. Donc s'il ne reprend une VS qu'une ou deux minutes après, ou bien avec un niveau de PteCO2 plus élevé, 45, 50 mmHg, mais là, en écrivant ça, je vais vous faire attraper des boutons, on peut parler de retard.
Et donc en quoi est-ce compliqué de laisser le patient reprendre sa VS avec une aide, ou simplement en laissant sur machine avec des réglages "normaux", afin de laisser s'éliminer les halogénés si tant est qu'on en ait utilisé, et d'attendre tranquillement que le patient reprenne seul sa VS sans incantation à la Jacques Mayol ?

Pour ce qui est de la ventilation à la main les deux réponses se justifient.
La "fin peut justifier les moyens" dans le cas énoncé par Yves (SMUR, humanitaire, etc).
Mais l'argument avancé par Huss est dans l'air du temps, et selon moi plus "sécuritaire".
Je pense qu'il n'y aura pas de problème tant que la justice n'aura pas établie de causalité entre la ventilation manuelle et un patient ayant subit un barotraumatisme, une inhalation avérée, etc.
On pourrait presque rapprocher ce cas à la pose de VVC sous écho vs. pas d'écho ("à l'ancienne") non défendable devant un tribunal de nos jours...
Répondre