[TIP] Déclaration des dysfonctionnements au bloc

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Maxime
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[TIP] Déclaration des dysfonctionnements au bloc

Message : # 26583Message non lu Maxime »

EN QUOI L'INFIRMIER ANESTHESISTE REDOUTE-t-il LA DECLARATION DES DYSFONCTIONNEMENTS

Auteur :POMMIER Michel



Après dix années d’expérience professionnelle, cinq passées en réanimation médicale et cinq en réanimation chirurgicale, j’ai senti le besoin d’évoluer en me spécialisant en anesthésie. Cette formation d’une durée de 24 mois est régie par l’arrêté du 17 janvier 2002 . Elle inclue 700 heures d’enseignement théorique et environ 2450 heures d’enseignement pratique sur sept terrains de stage dans les spécialités suivantes : chirurgies viscérale, céphalique, obstétrique et/ou gynécologique, pédiatrique, orthopédique, et deux stages optionnels. En plus de la validation des traditionnelles évaluations théoriques et pratiques au cours de la formation, chaque étudiant doit présenter un Travail d’Intérêt Professionnel (TIP) . Compte tenu du travail demandé et du temps imparti pour l’effectuer, le sujet du TIP doit être cerné au plus vite, et au plus tard à la fin du premier stage de trois mois.

A ce stade de la formation je ne connaissais pas le bloc opératoire. Je ne pouvais en avoir qu’une représentation symbolique. Il était pour moi un lieu à part où tout est calculé, contrôlé et où l’imprévu n’a pas sa place. Tout écart, tout événement indésirable était à mes yeux immédiatement repéré et analysé.

Dans mon esprit, j’avais donc idéalisé le bloc opératoire et son fonctionnement. Peu de temps après le début de mon premier stage, je me suis vite rendu compte qu’il y avait un écart entre ce que je pensais de ce lieu et ce que je pouvais observer. Il y eut un malaise vagal d’une patiente laissée sans surveillance dans le couloir du bloc après la pose d’une voie veineuse périphérique, une voie veineuse périphérique arrachée entraînant le réveil du patient sur la table d’opération, des patients arrivants au bloc sans les bilans prescrits ou sans leur carte de groupe sanguin, et quelques patients présentant des frissons en post opératoire. Malgré la récurrence de certains événements, je n’ai jamais pu observer de signalement de la part des professionnels.


L’ énumération citée ci-dessus peut paraître peu élogieuse pour ce service alors que fort de mon expérience d’infirmier, je peux affirmer que les soins prodigués étaient d’excellente qualité, et la motivation du personnel très forte.

J’ai donc été frappé par l’écart entre la représentation que je me faisais du bloc opératoire idéal et ce que j’ai pu observer. Là où je croyais voir une rigueur absolue quant à l’amélioration des soins grâce à la volonté de déceler le plus petit accroc qui bloquerait le rouage de cette machine, j’ai plutôt ressenti une crainte au signalement des évènements indésirables. Mon vécu en réanimation chirurgicale et les constatations faites lors de ce premier stage pouvaient m’orienter vers un sujet de TIP, à savoir : l’Infirmier Anesthésiste Diplômé d’Etat (IADE) et le signalement des évènements indésirables.

A partir de mon deuxième stage, je me suis intéressé tout particulièrement aux dysfonctionnements ou événements indésirables et à leur devenir. J’ai alors pu constater que sur 23 événements réellement constatés pour 278 interventions (cf. annexe 1), aucun n’a fait l’objet d’une déclaration.

Je me suis aussi penché sur le cahier où sont consignées chaque jour les interventions d’après le document joint en annexe 2. Sur les 588 interventions du 21.03.07 au 23.11.07 qui ont eu lieu dans la salle numéro trois, trois « incidents » sont consignés. Ils concernent plutôt des problèmes médicaux, chirurgicaux et des aléas thérapeutiques plus que de réels dysfonctionnements (un TURP syndrome, une conversion de rachis anesthésie en anesthésie générale, une rachis anesthésie impossible à faire).

J’ai aussi averti l’équipe des IADE du sujet de mon TIP. J’ai donc pu recueillir auprès des professionnels quelques situations vécues comme par exemple celle-ci : après avoir été vérifié par le service technique de maintenance sans que l’équipe d’anesthésie en ait été informée, un respirateur est utilisé pour une anesthésie générale. Après l’intubation du patient, celui-ci est ventilé en ventilation contrôlée et en circuit fermé. L’infirmière anesthésiste constate rapidement que la pression expiratoire de gaz carbonique s’élève anormalement. Elle recherche alors immédiatement la cause de cette anomalie et constate que le bac à chaux est vide. Une fois le problème résolu, celui-ci n’a pas fait l’objet d’une déclaration. L’infirmière a contacté le service technique pour demander à être informée de la révision inopinée des respirateurs par la présence d’une affiche accolée sur le respirateur contrôlé. Rien en fait de très officiel. A ma question « mais pourquoi n’as-tu pas déclaré cet événement ? », elle a plutôt minimisé le problème puisqu’il n’y a pas eu d’incidence pour le patient. Elle m’a aussi parlé de charge de travail.

L’expérience de cet évènement indésirable me paraît intéressant car il fait intervenir de nombreux professionnels, des notions de travail en équipe et de communication.

Il est bien évident que quand je parle de déclaration de dysfonctionnement ou d’événement indésirable, le but recherché n’est absolument pas de trouver un responsable, mais bel et bien de décortiquer une situation ayant engendré un dysfonctionnement. Dans l’exemple du cas exposé ci-dessus, il s’agira de connaître les différentes actions entreprises entre la prise en charge du respirateur par le technicien et l’intubation du patient et d’identifier la cause du dysfonctionnement pour qu’il ne se reproduise plus.

D’après mes observations sur le terrain, je peux supposer que tous les événements indésirables ne sont à priori pas toujours notifiés, et donc passent inaperçus.

Pourtant, l’amélioration des soins est une préoccupation permanente des établissements de santé depuis de nombreuses années. La mise en place de vigilances, de formations continues, de protocoles, l’accréditation des établissements de santé peuvent en témoigner. Le personnel soignant a beaucoup travaillé en ce sens. Connaître les dysfonctionnements, c’est chercher à comprendre, et à améliorer la qualité, la sécurité des soins. Au bloc opératoire et en anesthésie en particulier, les protocoles de soins sont omniprésents et sont souvent appliqués à la lettre. La rigueur est de vigueur. Sauf peut être pour la déclaration des dysfonctionnements !!!

L’infirmier anesthésiste est au cœur de la prise en charge du patient au bloc opératoire. Pour faire de l’anesthésie de qualité, il se doit d’être informé des moindres détails intéressant le patient et/ou le matériel. Il connaît donc l’existence des évènements indésirables. Afin d’éviter la récurrence de dysfonctionnements, ceux-ci doivent être recensés et analysés. On ne peut pas mettre en doute la volonté des infirmiers anesthésistes à participer à l’amélioration de la qualité des soins. Par contre il leur semble difficile de participer pleinement au signalement des évènements indésirables.

Ce questionnement m’amène à poser la problématique suivante :

En quoi l’infirmier anesthésiste redoute-t-il la déclaration des dysfonctionnements ?

Au regard de ce problème, je me propose de formuler trois hypothèses.

Ma première hypothèse consiste à penser que la culture du signalement est mal perçue.

La culture Latine est différente de la culture Anglo-saxonne. Les événements récents montrent qu’un Français et un Américain n’auront sans doute pas la même réaction face à un événement international majeur (je pense à la seconde guerre du golfe). La culture est différente, l’histoire des deux pays aussi. L’infirmier anesthésiste en France évolue au sein d’une culture, d’un pays qui a sa propre histoire. La déclaration des dysfonctionnements ne rappelle-t-elle pas pour beaucoup d’entre nous des souvenirs négatifs ? N’a-t-elle pas un sens péjoratif très prononcé ? Dés le plus jeune âge, dans la cour d’école, le rapporteur était souvent très mal considéré par ses petits camarades. La période noire de la collaboration pendant la seconde guerre mondiale, a été vécue comme un réel traumatisme par les Français…

Ma seconde hypothèse consiste à penser que la crainte des sanctions est un frein au signalement d’événements indésirables.

Forcément, s’il y a dysfonctionnement, il y a erreur. Mais l’erreur n’est-elle pas humaine ? Compte tenu du nombre de tâches effectuées par les agents, n’est-elle pas mathématiquement inévitable ? Pour autant, la hiérarchie est-elle prête à les entendre sans rechercher avant tout le « fautif », plutôt que le pourquoi et comment éviter qu’il ne se reproduise? La faute grave et volontaire, ne peut bien sûr pas entrer dans le cadre des dysfonctionnements.

Il me semble que déclarer un dysfonctionnement, c’est craindre de devoir rendre des comptes à l’administration et de voir éventuellement sa note baisser ou être sanctionné d’une façon ou d’une autre.

Ma troisième hypothèse tentera de montrer que l’infirmier anesthésiste n’est pas complètement assuré d’avoir un retour sur sa déclaration et que celle-ci n’est que, comme nous pouvons quelques fois l’entendre, « paperasse » et perte de temps.

L’événement indésirable est une entrave au soin. L’IADE n’aura-t-il pas, en plus, l’impression d’avoir perdu de son temps, s’il n’obtient aucune réponse ou solution à son signalement ? Ne sera-t-il pas deux fois sanctionné (gêne dans son travail et perte de temps), s’il n’obtient pas de réponse ?

La confiance, la fiabilité et la crédibilité d’un outil du signalement ne se mesurent-elles pas à l’appréciation qu’en a son utilisateur ? Je pense qu’un outil plébiscité est un outil qui facilite le signalement. Mais existe-t-il ?
Comment vérifier mes hypothèses ?

Je vais tenter dans une première partie de définir et de cerner la notion d’évènement indésirable en donnant quelques définitions et en replaçant ce terme dans différents contextes : l’industrie et la santé.

Je tenterai ensuite de faire un état des lieux de l’impact social des évènements indésirables et de son intime relation avec la qualité des soins.

J’essayerai ensuite de rechercher s’il existe des freins au signalement des évènements.

Je rechercherai une base juridique et politique justifiant le signalement des évènements indésirables ainsi que les éventuels organismes de tutelles responsables et des moyens mis en œuvre pour faciliter leur prise en compte.

Pour finir avec cette première partie, je ferai part de mes observations sur le terrain au cours de mes différents stages.

Cette première partie doit éclairer le lecteur sur le concept d’événement indésirable. Elle doit aussi lui permettre d’en apprécier l’importance et les enjeux, ainsi que les difficultés de sa mise en œuvre. Elle précédera une deuxième partie qui aura pour objectif d’affirmer ou d’infirmer mes trois hypothèses.


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Mallampatix
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Message : # 26586Message non lu Mallampatix »

:applause: :bravo:
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Maxime
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Message : # 26587Message non lu Maxime »

Effectivement, un sujet original, pertinent et délicat, traité avec beaucoup d’honnêteté.

Un beau boulot, qui mérite d'être continué... Avis aux EIA en mal de thème !
Frisette
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Message : # 26697Message non lu Frisette »

Bravo Michel!!!...Et joyeux anniversaire encore :wink: !!!!
Tracrium
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Message : # 26699Message non lu Tracrium »

Sympa ce TIP :bravo:
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