1) Pouvez-vous me dire en quelques lignes ce que signifie pour vous le grade Master IADE ?
La reconnaissance QUALITATIF de la formation par une tutelle avec qui nous n’avions pas l’habitude de communiquer : Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le MESR a validé (quand il y aura un arrêté....) que le niveau de formation équivalait un Grade Master professionnel.
D’un point de vue QUANTITATIF, il est enfin reconnu qu’il faut aller 5 ans sur les bancs de l’école pour être infirmier anesthésiste.
La communauté IADE s’est souvent attachée à cet aspect quantitatif ; sans se pencher sur le fond des études. La quantité de 5 ans ne pouvait pas valoir un Master sans que les enseignements soient modifiés. Le Grade Master, ça ne valide pas uniquement une durée ; mais également des enseignements, des formes d’enseignements et un parcours pour les étudiants.
Le fait est que le Ministère de la Santé, notre tutelle de « travail » valide désormais notre niveau de compétence comme une expertise ; non pas au regard de notre activité (ça fait 30 ans qu’on essaie de lui faire comprendre...) mais au regard de notre formation, car le MESR nous a donné le sésame. C’est notre « AOC », notre « preuve ».
Ca fait 30 ans qu’on essaie d’expliquer à nos ministres ce que l’on fait et les ministres n’écoutent que les médecins. Désormais, on a une autre voix qui porte dans notre sens : celle d’un autre ministère qui lui, écoute les universitaires.
Et ces universitaires ont dit « Ok, c’est un Master ».
N’en déplaise à nos collaborateurs du quotidien....
2) Comment pensez-vous que ce nouveau grade peut changer l'avenir du métier?
Sur le parcours professionnel. D’une part, les passerelles existaient déjà ; elles seront désormais consolidées. C’est toujours plus facile de voyager avec un billet dûment acheté.
Sur l’exercice de l’anesthésie et le positionnement professionnel : On ne sait pas encore, mais on peut présager des petits changements et pourquoi pas une petite révolution silencieuse et douce.... Les référentiels d’activité – compétences – formation ont déjà modifiés des micro-choses : utilisation de l’écho, réalisation du bilan d’une victime... et bien sûr, les fameux : recherche, anglais, communication, sociologie, ethnologie, etc....
Ces micros changement peuvent aller de pair avec les démarches de l’HAS sur les protocoles de coopérations, les PHRIP, etc.... Pour que la profession évolue, il faut que les professionnels y soient prêts et accompagne le changement. Je pense que la nouvelle formation favorisera cela.
Jusqu’à aujourd’hui, le mot d’ordre pour défendre et – paradoxalement – faire avancer la profession c’était : ne bougeons pas. Résistons aux attaques, mais n’acceptons rien « en plus », rien « de nouveau ».
On peut penser que demain, les IADE revendiquent d’accroitre encore plus leur autonomie, leurs compétences pour défendre « par le haut » et par une marche en avant la profession et l’exclusivité d’exercice.
Ce que cette formation va changer, c’est le rapport des IADE à leur exercice professionnel. La formation, dans le fond et sa forme, va favoriser cette fameuse « posture réflexive » (Définition : La pratique réflexive consiste à caractériser la manière dont l’action est organisée, à penser ce qui pousse à l’action, à formaliser ses savoirs pour les rendre lisibles et visibles par tous. Développer une pratique réflexive, c’est adopter une posture réflexive, de manière régulière et intentionnelle, dans le but de prendre conscience de sa manière d’agir, ou de réagir, dans les situations professionnelles ou formatives. -
http://squadra.fr/files/Partie-psychope ... lexive.pdf)
Cette « posture » va permettre de parler de notre métier autrement qu’en terme « basic » depuis longtemps entendus : « Les IADE sont des experts parce qu’ils piquent mieux » ou « Les IADE doivent faire du SMUR parce qu’ils intubent mieux que le CAMU ».
Avoir cette posture réflexive va permettre aux IADE de créer des savoirs propres à leur exercice et non plus d’utiliser les savoirs que d’autres (les prescripteurs) auront décidés pour eux. La clé de ce changement, c’est la recherche.
C’est la porte de sortie de ce qui est appelé « profession médico-centrée ».
On doit attendre du Master que les IADE quittent les wagons du train « anesthésie » pour aller en locomotive et en régulation d’aiguillage ; pour ne plus être des passagers inactifs des connaissances et des compétences.
Au quotidien près du patient : Aucun changement, le D.E. reste le D.E. et la pratique de l’anesthésie reste enseigné par les pairs : IADE et MAR.
Peut être que la localisation des IADE sera un peu différente car ils devront jongler avec la recherche, la douleur, la pédago (autre que l’accueil des stagiaires), etc.... Peut être qu’un jour, l’IADE laissera le patient au MAR en disant « je suis dans mon bureau ».... (C’est une caricature).
3) Comment voyez-vous votre profession ou futur profession d'Iade?
Cf. Réponse précédente.
Le centre de gravité de la profession peut changer et ne plus être (pour reprendre les termes) médico-centrée.
Pour la paie : ca n’est pas l’enjeu et il n’y a aucun lien entre un changement de formation et un changement de salaire.
Le métier reste celui de gérer une anesthésie (je simplifie) ; donc la question de la reconnaissance financière n’est pas le même sujet.
Tout comme les revendications du fameux « Stock » qui sont tout a fait hors de propos car il n’a jamais été question et il ne sera jamais question de valider un Master pour le Stock. Ca n’a jamais été prévu par les tutelles ; et nous le savons depuis le début.
De toutes les réingénieries qui ont eu lieu ; jamais un « Stock » n’a eu d’équivalence et ça n’a jamais posé de problème. Donc cette question de stock est un épouvantail que les IADE agitent .. pour rien.
Il faut cesser d’agiter des démons inutiles : la profession d’iADE a été marqué par de nombreux changements de formation et de statuts :
Source Wikipédia :
• 1949 : Enseignement particulier est délivré aux infirmiers (Attestation)
• 1960 : création d'un certificat d'aptitude aux fonctions d'aide anesthésiste sanctionnant une formation de 18 mois
• 1962 : reconnaissance de cette formation comme spécialité
• 1972 : augmentation de la durée de la formation à 24 mois, pré requis de 3 années d'exercice antérieur
• 1988 : création du certificat d'aptitude aux fonctions d'infirmier spécialisé en anesthésie réanimation (CAFISAR)
• 1991 : création du diplôme d'État d'infirmier anesthésiste (IADE)
• 2002 : Nouvel arrêté de formation conduisant au diplôme d'État d'infirmier anesthésiste
• 2012 : publication d'un nouvel arrêtée de formation reconnaissant le diplôme d’État au grade Master.
C’est une profession jeune (1962) qui bénéfice encore de changements dans sa structuration, c’est donc une chance : ça veut dire qu’elle est vivante.
La mixité ISAR/ IADE avant 2001 / IADE après 2001 / IADE depuis 2012... n’a jamais été en défaveur du patient et n’a pas empêché la profession de vivre (les congrès régionaux d’IADE se portent très bien !!!!)
Cette modification est une étape ; surement qu’elle n’est pas la dernière. Il ne faut pas les craindre ; mais s’en saisir pour qu’elles soient des opportunités.
4) Seriez-vous prêt à partir travailler ailleurs en Europe si les passerelles étaient plus simples?
La formation est elle un facteur favorable à la mobilité ?....
Je crois que celui qui voulait bouger et celui qui ne voulait pas ; ne changerons pas d’idée au regard d’une formation nouvelle.
De plus, où aller ?....
Le nombre d’IADE qui parle allemand, danois ou grec pour pouvoir gérer une anesthésie ne doit pas être légion...
Donc, l’Angleterre ? L’Espagne ?.
Les espagnoles viennent déjà travailler chez nous fautes de boulot...
La France est le seul pays au monde à disposer de territoire sur tous les océans... Si on veut voir du pays, pas besoin d’une nouvelle formation...
5) (étudiants) Seriez-vous prêt à aller faire un stage ailleurs en Europe durant votre formation?
Ca oui ; sous réserve d’un niveau de langue suffisant.