Bruno huet a écrit :Permet moi Yves de ne pas être d’accord avec une partie de tes propos.
Je vois les choses de la même façon : chacun expose son point de vue.
Bruno huet a écrit :L’article 4311-10 stipule « L'infirmier ou l'infirmière participe à la mise en œuvre par le médecin des techniques suivantes :» ce qui exclu de facto la réalisation du geste technique par l'infirmier.
Ça n'est pas si clair que ça :
-de 1993 à 2004, l'article définissant le rôle de l'iade était rédigé ainsi : « L’infirmier anesthésiste diplômé d’État [...] sont seuls habilités, à condition qu’un médecin puisse intervenir à tout moment, à
participer à l’application des techniques suivantes [...] : 1. Anesthésie générale, 2. Anesthésie locorégionale réinjections dans le cas où le dispositif a été mis en place par un médecin, 3. Réanimation peropératoire » ; cela signifierait que nous étions tous hors la loi ?
-en quoi le terme « participer » écarterait l'iade de la réalisation ? Si vous participez à une partouze, ça veut dire que vous ouvrez les préservatifs pour les autres ? ou que vous prenez part aux ébats ?
Bruno huet a écrit :Tu auras du mal à me faire croire que tu en est encore à ce vieux argument que nous n’avons pas de décret d’acte qui défini notre champ de compétence.
C'est pourtant le cas. Vous évoquez un arrêté définissant la formation initiale de l'iade. Ces arrêtés sont modifiés tous les 5 à 10 ans. Entre temps, de nombreuses techniques apparaissent (et disparaissent) dans le monde de l'anesthésie. Faudrait-il se les interdire ?
Par exemple, j'ai appris l'anesthésie avant l'arrivée de l'aivoc et du bis.
Bruno huet a écrit :1) Les protocoles d’urgence ne peuvent contenir que les actes réalisables dans l’article 4311-7 qui ne nécessite pas la présence du médecin.
C'est votre point de vue. Je ne vois rien dans la formulation de l'article R4311-14 qui le précise :
En l'absence d'un médecin, l'infirmier ou l'infirmière est habilité, après avoir reconnu une situation comme relevant de l'urgence ou de la détresse psychologique, à mettre en œuvre des protocoles de soins d'urgence, préalablement écrits, datés et signés par le médecin responsable. Dans ce cas, l'infirmier ou l'infirmière accomplit les actes conservatoires nécessaires jusqu'à l'intervention d'un médecin. Ces actes doivent obligatoirement faire l'objet de sa part d'un compte rendu écrit, daté, signé, remis au médecin et annexé au dossier du patient.
En cas d'urgence et en dehors de la mise en œuvre du protocole, l'infirmier ou l'infirmière décide des gestes à pratiquer en attendant que puisse intervenir un médecin. Il prend toutes mesures en son pouvoir afin de diriger la personne vers la structure de soins la plus appropriée à son état.
Il faut séparer deux situations différentes : présence ou absence du médecin.
1) En présence du médecin.
Il est bien évident que l'iade ne va pas poser une IO alors que le médecin présent lui dit de ne pas le faire. Ou alors on rentre dans des histoires de conflit ouvert. Dans ce cas, que peut-on reprocher à l'iade ? Exercice illégal ? Alors qu'on peut montrer un bénéfice pour le patient et une formation de l'iade ?
2) En l'absence du médecin.
Soit un protocole d'urgence est écrit, et l'iade applique le protocole. Il peut justifier d'une formation à la pose d'une IO.
Soit il n'y a pas de protocole et l'iade doit se poser des questions :
-s'agit-il d'une urgence ? il ne peut s'agir que d'une urgence avérée, pas d'un risque ; je ne peux pas dire « je lui donne un lexomil parce qu'il risque de se suicider » ;
-est-ce que le patient va bénéficier de cet acte s'il est réalisé tout de suite ? est-ce qu'il y a une différence entre le faire maintenant et le faire à l'arrivée du médecin ?
-quelles sont les priorités ? par exemple, en cas d'acr, est-ce que le reste est fait ? est-ce que l'alerte a été donnée, est-ce que le patient est massé et oxygéné ?
-est-ce que l'iade est compétent dans cet acte ? est-ce qu'il le maitrise, est-ce qu'il peut justifier d'une pratique de cet acte ? il est bien évident que je ne vais pas acquérir une compétence parce que c'est urgent ; par exemple, même si c'est urgent, je ne peux pas poser un drain thoracique, car je n'en pose jamais.
Bien entendu, dans le cas où l'iade agit dans le cadre de l'article R4311-14 alinéa 2, il est seul responsable de ses actes, et il doit pouvoir les justifier. Par exemple, si devant un acr, je décide de l'intuber sans la présence du médecin et que je réussis, que peut-on me reprocher ? L'intubation fait partie des recommandations dans l'acr (en tout cas pour l'instant), il existe un bénéfice pour le patient, il existe un bénéfice à le faire maintenant plutôt que dans dix minutes, et je peux justifier d'une maitrise et d'une pratique du geste.
Mais si en voulant l'intuber j'ai des difficultés, je place le tube dans l'œsophage, je lui détruis le pharynx, j'interromps le MCE pendant cinq minutes, on va me le reprocher, et c'est bien normal.
Au total, la vraie question à se poser au moment d'agir, et ce quel que soit l'acte, qu'il soit ou pas listé dans un article de loi, c'est «
est-ce que ce que je vais faire va profiter au patient ? ».