Là encore, il y a à peu près tout. Je vous donne quelques précisions, qui ne sont pas forcément à rajouter dans votre présentation, mais qui peuvent vous servir si on vous pose des questions, et (soyons fous) à soigner les patients (parce qu'il n'y a pas que le concours dans la vie).
nurse78 a écrit :Un patient de 27 ans admis pour blessure abominale par arme blanche avec hemo péritoine, plaie sigmoide.
Il passe au bloc : colon iliaque gauche de décharge et mis en place d'un redon
- passage en sspi et ensuite transfert à 21h en soins intensifs .
- a 23h son hemoglobine est à 6,5g/100 ml ; FC 120 bpm ; anurie, cyanosé avec les extremintés froides
-le redon donne 200 CC
presciption de 2CCG
1/ compte tenu des ces informations et de vos connaissances quels sont les problemes réels et potentiels de ce patient ?
2/ quelles sont les actions IDE à mettre en place jusqu'a 2 h
Je vais me répéter, mais attention à la précision des termes :
-sigmoïde,
-hémopéritoine,
-c'est la concentration en hémoglobine qui est mesurée, elle s'exprime en g/dL (idéalement en mmol/L, mais c'est rare en France), et il aurait été intéressant de savoir par quel procédé elle a été mesurée (prélèvement de sang total veineux ou artériel, ou dosage rapide type Hemocue, et dans ce cas, prélèvement capillaire ou sang total) ;
-Redon (avec une capitale, car c'est Henri Redon qui l'a inventé, voire Redon-Jost, Jost étant l'interne de Redon, et selon les internes il s'est fait rouler dans l'histoire) ;
-le Redon a donné 200 mL (et il aurait été intéressant de savoir en combien de temps) ;
-ce patient a probablement une stomie.
Dernier point concernant l'énoncé, la cyanose est d'apparition retardée chez l'anémique, puisqu'on dit classiquement qu'il faut 5 g/dL d'hémoglobine réduite pour qu'elle apparaisse. Pour ce patient, ça ferait une SaO2 à 23 %... Ce patient sera donc probablement plus pâle que bleu, sauf problème associé.
Caro H a écrit :On pourra également rechercher une hypotension (qui sera secondaire), une polypnée, des troubles neurologiques (agitation, troubles de la conscience)
Quelques précisions sur les signes du choc hémorragique :
-la polypnée est quasi constante, précoce, modérée ; en gros, le patient se met à respirer à 20 cycles par minute avec un volume courant conservé ; le problème, c'est que ça peut s'intriquer avec d'autres problèmes (imprégnation morphinique, soit liée aux morphiniques injectés pendant la chirurgie, soit liés à la morphine antalgique en postopératoire, acidose métabolique avec polypnée pour compenser…) ; la polypnée passe souvent inaperçue, et sa disparition est un très bon signe d'amélioration ;
-la tachycardie est précoce, quasi-constante (certains patients peuvent avoir une bradycardie liée à une stimulation vagale, par exemple dans les plaies de la rate ; il existe une bradycardie paradoxale dans les chocs hémorragiques extrêmes juste avant l'acr, et bien sûr attention aux patients qui prennent des ß bloquants, pour lesquels la tachycardie est modérée voire absente, et le choc d'autant plus grave) ; le problème de la tachycardie, c'est que comme la tachypnée, c'est un signe sensible mais pas spécifique ;
-l'hypotension, chez un patient jeune (jusqu'à 70 ans) et sain, est tardive ; pour parler d'hypotension, il faut une PAS <= 90 mmHg, et pour ça il faut avoir perdu 20 % de sa masse sanguine ;
-
a contrario, quand on dispose d'une PA de référence, la baisse de la PA est un signe plus sensible (un patient qui baisse sa PAS de 130 à 100 mmHg par exemple), mais peu spécifique ;
-les
troubles de la conscience, et encore plus le
coma, chez l'
hémorragique pur, sont d'
apparition très tardive ; en effet, tous les mécanismes de défense vont protéger la circulation cérébrale ; donc quand un patient hémorragique commence à être agité, confus, ou somnolent, c'est que ça va très mal ; et
quand il perd connaissance, attendez-vous à l'
acr dans la minute qui suit.
Caro H a écrit :biologique :
* une hémoglobine à 6,5 g.dL-1 (qu'il conviendra de mettre en relation avec les précédents résultats)
*On pourra compléter avec une numération de la formule sanguine avec fonction plaquettaire et un bilan d'hémostase
Cf. supra, faire préciser la façon dont a été mesurée la [Hb] (quand on écrit une valeur entre crochets, il s'agit d'une concentration). La mesure par Hemocue est très fiable sur du sang total, mais peu fiable sur du sang capillaire pendant un choc.
Il ne s'agit pas de numération de la formule sanguine, mais de numération et formule sanguine. La formule m'intéresse assez peu dans cette situation. Il me semble qu'on peut parler de numération, examen plus rapide, plus simple et moins coûteux que la NFS (même si actuellement la plupart des machines rendent une formule automatisée dite « approchée » pour le même prix et dans le même temps. La fonction plaquettaire, je ne sais pas ce que c'est, mais la numération m'intéresse. Et l'hémostase aussi. Penser à la prescription.
Caro H a écrit :Dans l'immédiat, les problèmes potentiels sont ceux liés à ce problème principal (risque de désamorçage de la pompe cardiaque, risque de déshydratation, risque d’altération neurologique, risque de détresse respiratoire...)
Le choc hémorragique n'entraîne par
per se (par lui-même) de détresse respiratoire. On peut résumer les problèmes de ce patient en deux mots : hypovolémie et anémie. Ces problèmes entraînent tous les deux des défauts d'apport d'O2 aux tissus, et ça s'appelle l'
hypoxie, et c'est de ça que les tissus (et donc les gens) meurent. Le risque actuel est de se retrouver dans un tableau de défaillance multiviscérale et de choc dépassé.
Caro H a écrit :- Je mesure de nouveau la fréquence cardiaque (tachycardie ?) la pression artérielle (hypotension ?) la fréquence respiratoire (polypnée ?) et la saturation pulsée en oxygène.
- Je réalise de nouveau une mesure instantanée de l'hémoglobine. Je compare le résultat aux précédents afin d'en apprécier l'évolution.
Il me semble que les mesures telles que l'Hb et le glucose par micromesure font partie du rôle propre (à vérifier), et donc vous évitez le problème de la prescription.
Concernant la SpO2, vous allez la noter, mais elle sera faussement rassurante. Prenez un patient qui fait l'hémorragie grave au bloc opératoire. Il est intubé, ventilé, et sa SpO2 est à 100 %. Il perd les 3/4 de son Hb, sa SpO2 reste à 100 %, car la SpO2, c'est le rapport entre l'[HbO2] et l'[Hb totale]. Et pour ce patient, il ne lui reste que la moitié de son Hb, mais ces molécules d'Hb sont liées à l'O2.
J'en profite pour donner quelques précisions. Ce qui nous intéresserait idéalement, c'est de connaître la quantité d'O2 que transporte le sang artériel, le TaO2. Ce TaO2 a deux déterminants, le contenu artériel en O2 (CaO2) et le débit cardiaque (Qc). En négligeant l'O2 dissout (
parce que dix sous, c'est pas cher), le CaO2 et égal à SaO2 x [Hb]. On peut écrire la formule suivante :
TaO2 = Qc x SaO2 x [Hb]
Donc sur les
trois déterminants du TaO2, la SpO2 ne renseigne que sur un seul.
Caro H a écrit :- Si détresse vitale je met en place de l'oxygène au masque à haute concentration, si non je vérifie la disponibilité du matériel d'oxygénothérapie en l'attente d'une prescription médicale (PM)
Si je suis le jury, je vous demande « est-ce que ce patient est en détresse vitale ? », et si vous me répondez non, c'est que vous avez raté quelque chose.
Allons plus loin, quelle quantité d'O2 faut-il apporter à ce patient pour améliorer sa situation ? L'état de choc (quel que soit son mécanisme) réalise une hypoxie (la définition du choc, hypoperfusion des organes et apports d'O2 insuffisants). Quels sont les grands mécanismes de l'hypoxie ?
1) Manque d'O2 dans le sang, c'est l'hypoxie par
hypoxémie.
2) Manque de transporteurs, c'est l'hypoxie par
anémie (soit il manque de l'Hb, soit des passagers clandestins (CO) ont envahi les moyens de transport).
3) Problème de débit généralisé, ou problème de débit spécifique à un organe, en particulier en cas de rétrécissement des artères, c'est l'hypoxie par
ischémie.
4) Empoisonnement de la cellule, qui ne peut pas extraire l'O2 qui lui est fournie, c'est l'hypoxie par
cytotoxicité.
Dans un état de choc, et dans une situation créant une hypoxie, il faut tenter de rétablir la balance O2, c'est-à-dire augmenter les apports et/ou diminuer la consommation pour éviter les déséquilibres.
Quand la [Hb] est normale, l'O2 est surtout liée à l'Hb (> 98 %). En apportant un peu d'O2 (3 L/min avec des lunettes), on fait passer la SpO2 de 96 à 100 %, on gagnera 4 à 5 % de CaO2. En donnant 15 L/min avec un MHC, on n'augmentera plus la quantité d'O2 liée à l'Hb, mais on augmentera que l'O2 dissout.
Plus la [Hb] est basse, plus ça vaut le coup d'augmenter l'O2 dissout. En sachant que plus les outils sont efficaces, plus ils sont dangereux. En effet, si les lunettes se débranchent de la source d'O2, le dispositif n'apporte plus d'O2 au patient mais ne gêne pas sa respiration. Alors qu'avec un MHC, le patient réinhale son CO2 et doit faire des efforts inspiratoires et expiratoires plus importants.
Donc en première intention 3 L/min avec des lunettes, c'est d'autant plus intéressant que la SpO2 est basse (hypoventilation due à une imprégnation morphinique, à la douleur, à la toux inhibée par la cicatrice, effet shunt et déséquilibres ventilation/perfusion liés au décubitus…). En deuxième intention, devant un tableau clinique inquiétant (en particulier agitation ou somnolence) O2 15 L/min au MHC en rapprochant la surveillance, sans oublier que ça ne facilite pas la communication.
Je vous propose un exemple numérique. On va supposer que notre patient a une PaO2 à 85 mmHg en air ambiant, et 96 % de SpO2, et donc [Hb] = 6,5 g/dL.
CaO2 = (SaO2 × Hb × 1,34) + (0,0031 × PaO2) (la première partie calcule l'O2 liée à l'Hb et la deuxième l'O2 dissout dans le plasma) (Hb en g/dL, PaO2 en mmHg, CaO2 en mL/dL).
CaO2 = (0,96 x 6,5 x 1,34) + (0,0031 x 85) = 8,3616 + 0,2635 = 8,6251 mL/dL. L'O2 dissout représente 3 %.
Apportons-lui 3 L/min d'O2 avec des lunettes, on va estimer (croyez-moi sur parole ;-) la FiO2 à 28 %, et la PaO2 à 120 mmHg. La SpO2 passera à 100 %.
CaO2 = (1 × 6,5 x 1,34) + (0,0031 × 120) = 8,71 + 0,372 = 9,082 mL/dL, soit un gain de 0,4569 (5,3 %). L'O2 dissout représente 4 %.
Si on donne 15 L/min (pas moins, le patient est polypnéique) avec un MHC, on obtient une PaO2 autour de 600 mmHg.
CaO2 = (1 × 6,5 × 1,34) + (0,0031 × 600) = 8,71 + 1,86 = 10,57 mL/dL. Gain 1,9449 (22,5 %). L'O2 dissout représente 17,5 %
Prenons le même patient avec [Hb] = 14 g/dL.
en air ambiant
CaO2 = (SaO2 × Hb × 1,34) + (0,0031 × PaO2)
CaO2 = (0,96 × 14 × 1,34) + (0,0031 × 85) = 18,0096 + 0,2635 = 18,273 mL/dL. L'O2 dissout représente 1,4 %.
sous 3 L/min avec des lunettes
CaO2 = (1 × 14 × 1,34) + (0,0031 × 120) = 18,76 + 0,372 = 19,132 mL/dL. Gain 0,859 soit 4,7 %. L'O2 dissout représente 1,9 %.
sous 15 L/min MHC
CaO2 = (1 × 14 × 1,34) + (0,0031 × 600) = 18,76 + 1,86 = 20,62 mL/dL. Gain 2,347 soit 12,8 %. L'O2 dissout représente 9 %.
Conclusion :
continuer à augmenter l'apport en O2 alors que la SpO2 est à 100 % n'a d'intérêt que chez le patient très anémié.