C'est intéressant d'avoir pour une fois l'avis d'un médecin sur ce sujet. Je suis en grande partie d'accord avec vous, mais (car il y a toujours un mais)... Mais est-ce qu'on ne pourrait pas faire plus simple, plus efficace et moins coûteux que le système actuel sans nuire à la qualité des soins prodigués aux patients ?
miles a écrit :[...] Savoir intuber le patient lambda au bloc s'apprend en quelques mois, faire la même chose à tout les coups dans toute les conditions met un peu plus de temps; faire un examen clinique pertinent c'est un autre métier qui nécessite l'examen de miliers de patients et c'est ce qu'on fait durant des études de médecine.
Tout à fait d'accord. Les iade sont formés pour être compétents dans un certain cadre, celui de l'anesthésie. Dans ce cadre, notre pratique journalière montre que nous sommes tout à fait adaptés, et (une fois la consultation d'anesthésie et la stratégie anesthésique définies, et à condition qu'un médecin puisse intervenir à tout moment, c'est-à-dire nous filer un coup de main dans les situations où des décisions difficiles sont à prendre) globalement assez autonomes.
Il est tout à fait vrai que nous ne sommes pas formés à l'examen clinique, la synthétisation des données recueillies (anamnèse, interrogatoire, bilan circonstanciel, recueil des données cliniques et des examens dipsonibles), conduisant à une décision thérapeutique, ou tout au moins à une orientation thérapeutique.
Cela dit, dans certaines situations standardisées, il est probable qu'on puisse s'en tirer pas trop mal.
miles a écrit :Je pense que les TIIH (une fois le diagnostic établi) sont une excellente chose.
Tout à fait d'accord. Et il est certain que si on veut diminuer la présence médicale dans les ambulances de réanimation avec un résultat comparable, c'est par là qu'il faut commencer. À condition d'éviter certaines dérives :
1) Actuellement, il existe un grand fossé entre un transport réalisé par deux ambulanciers et un transport réalisé par une équipe de réanimation. Si on propose un échelon intermédiaire, il a pour vocation originelle de faire réaliser certains transports médicalisés sans présence du médecin à bord (mais présence médicale au bout du fil). Mais le danger existe qu'on veuille nous refiler une foule de transports réalisés actuellement par des ambulances. En particulier (expérience vécue), des patients sans surveillance continue (au départe et/ou à l'arrivée), voire qui nous attend ses deux valises à la main.
2) Le danger existe également qu'on nous propose des patients pour lesquels le risque évolutif est non négligeable, et surtout pour lesquels il risque d'y avoir des décisions à prendre dépassant nos compétences. Pour schématiser, je sais paufiner un réglage de respirateur, voire débuter une réanimation d'un acr (en attendant un renfort), mais je ne sais pas gérer un choc septique qui part en vrille, et choisir entre le remplissage, la dobu, la noradré, ou l'abstention thérapeutique.
Dans ce type de situations, l'absence du médecin serait préjudiciable au patient.
3) Si on peut mettre n'importe quel iade dans un bloc et n'importe quel iade dans une umh en primaire, il est probable qu'il faille un peu d'expérience de l'extra-hospitalier pour gérer au mieux les TIIH. Nos collègues qui débutent nous font part de leurs difficultés, et je les comprends tout à fait.
4) Cette activité doit bénéficier d'une réelle considération. C'est-à-dire que les bilans doivent être pris avec soins, et surtout qu'il faut faire un vrai suivit, avec formations adaptées, évaluation (et publication) des résultats, analyse des incidents et des pratiques professionnelles...
Bref, s'il est possible de réaliser certains transports secondaires avec une équipe sans médecin à bord, il faut l'écrire, établir des règles, des procédures, écrire ce qu'on fait et faire ce qu'on écrit.
5) Autre point important, les iade qui font du TIIH doivent faire également du transport médicalisé.
miles a écrit :Mais très peu de primaires actuellement médicalisés pourraient actuellment être paramédicaliés (antalgie quand trauma simple par exemple).
Avec l'optique de fonctionnement actuelle, c'est exact. Je pose la question : est-il concevable d'envisager une autre approche ?
Dans bon nombre de cas, il me semble envisageable que l'iade soit "les yeux" du médecin régulateur. Il ne fait pas le diagnostic, il recueille les informations et les transmet au médecin. Dans bon nombre de cas, est-ce que ça ne suffirait pas pour, à défaut d'établir un diagnostic, proposer un diagnostic probable, ou au moins une orientation pour ce patient ? Le régulateur fait ça tous les jours, avec comme sources d'information des personnes non qualifiées (patient, famille, témoins), ou moins qualifiées que nous (ambulancier, pompier...).
Nous pouvons déjà transmettre les paramètres vitaux, les résultats d'analyse de plus en plus sophistiquées (glycémie, Hb, gds, troponine, BNP...), faxer un écg... Il serait envisageable de renforcer ces moyens, par de l'audio (conversation avec le patient et/ou l'entourage, auscultation à distance...) ou vidéo (au moins pour l'ambiance), et écrit (ordonnance faxée), avec possibilité de communication dans les deux sens.
Je vous promets, j'ai essayé de faire court...