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Tranfert de compétences

Posté : 17 avr. 2008, 22:48
par Maxime
Le 17 Avril 2008 - (SNPI) : Dans un communiqués de presse du 26.03.08, l’Académie Nationale de Médecine et le Conseil National de l’Ordre des Médecins se positionnent. Face au peu de considération dans laquelle ils tiennent la profession infirmière, le SNPI leur répond.

A l’occasion du projet de recommandation de la HAS soumis à consultation publique intitulé « Délégation, transferts, nouveaux métiers, conditions des nouvelles formes de coopération entre professionnels de santé », l’Académie Nationale de Médecine et le Conseil National de l’Ordre des Médecins rappellent les principes suivants :

Face à un besoin de soins et de prévention, le médecin doit rester, sauf circonstances exceptionnelles, le premier recours du patient.

Dans la prise en charge du patient, le médecin est responsable d’une équipe ou d’un réseau mobilisant de multiples ressources.

Le médecin assume la responsabilité de la coordination des soins confiés à chaque professionnel de santé, acteurs à part entière de la chaîne des soins.

Le renforcement de la coopération entre professionnels de santé ne peut se faire sur la base de concepts flous, mais renvoie à des délégations d’actes clairement identifiés par chacun des professionnels de santé accompagnées d’une information des patients.

Les délégations entre professionnels de santé intéressent tous les professionnels de santé qui participent à la chaîne de soins qui va du médecin aux personnels infirmiers, aide-soignant, auxiliaire de vie, techniciens de santé.

Le Conseil National de l’Ordre des médecins et l’Académie Nationale de Médecine conscients de la nécessité de renforcer la coopération entre professionnels de santé et de s’en donner les moyens demandent :

* Que les expérimentations déjà entreprises dont le cadre a été essentiellement hospitalier et ciblé sur des pathologies déterminées soient complétées par des expérimentations concernant les soins de ville, les réseaux de soins constituant à cet égard un terrain privilégié.
* Que les Sociétés savantes et les Collèges professionnels définissent les actes qui pourraient faire l’objet de nouvelles délégations.
* Que soient dressé l’inventaire et évaluées les délégations déjà existantes (par exemple avec les infirmières anesthésistes, les infirmières puéricultrices, les manipulateurs en radiologie )
* Que les médecins aient une responsabilité dans l’enseignement des actes délégués.



Le Conseil National de l’Ordre des Médecins et l’Académie Nationale de Médecine se demandent enfin si l’allègement voire le transfert de tâches administratives ne contribueraient pas de manière plus efficace que l’extension des délégations à un gain de temps médical et à une amélioration de l’exercice.

REPONSE DU SNPI :

En réponse au projet de recommandation de la HAS intitulé « délégation, transferts, nouveaux métiers, conditions des nouvelles formes de coopération entre professionnels de santé », le Conseil de l’Ordre et l’Académie résument dans la conclusion de leur communiqué le fond de leur pensée éclairée : ne serait-il pas plus intéressant pour nous de transférer nos tâches administratives plutôt que d’étendre les délégations aux « professionnels de santé » ?...Ils voient ici « un moyen de gagner du temps et d’améliorer leur exercice » comme si l’extension des délégations ne présentait aucun autre intérêt que de soulager les activités du médecin !

Derrière ces propos d’un autre siècle se dévoile cette image d’Epinal des infirmières exécutantes des soins que le médecin n’a pas le temps de faire lui-même. Réveillez vous Messieurs ! Aujourd’hui dans les hôpitaux ce sont les infirmières qui forment les étudiants en médecine aux actes délégués... Et loin de s’en gargariser comme s’il s’agissait d’une compétition de savoir (et donc de pouvoir) elles trouvent cela bien normal de le partager leur savoir.

Les infirmières ont développé des compétences qui sont reconnues à la fois par la loi et par la population qui reçoit leurs soins. Pourquoi faut-il encore en faire la preuve auprès de ceux qui partagent le même engagement auprès des patients ?

Le travail en équipe hospitalière montre bien l’interdépendance des actions de chacun. On ne peut plus comme jadis prendre en compte le seul intérêt de l’exercice médical sans provoquer des déséquilibres délétères. Les médecins hospitaliers le savent bien. Nombreux sont ceux qui au quotidien voient les infirmières développer des compétences et des savoirs faire qui ne sont pas basés sur des concepts flous comme il est mentionné dans le communiqué.

Que du temps administratif soit nécessaire à l’amélioration de l’exercice médical, personne n’en doute, nous pensons la même chose en ce qui concerne notre exercice !

A l’heure des élections au Conseil de l’Ordre Infirmier, loin d’encourager la profession infirmière dans une évolution moderne et responsable, l’Ordre des médecins et l’Académie nous montrent leur peu d’adaptation aux changements qui sont en train de s’opérer dans le paysage de la santé et le peu de considération dans laquelle ils tiennent la profession infirmière.

Posté : 18 avr. 2008, 16:59
par Mallampatix
...les annonces passent et les vielles idées restent..!!

Pauvre medecine française...!!

Posté : 18 avr. 2008, 18:07
par Yves Benisty
Au cas où certains dinosaures de l'Académie de médecine ne l'auraient pas remarqué, l'activité des iade correspond, depuis plusieurs dizaines d'années, à une délégation de compétences.

Ça fait des années que ça existe, ça fonctionne très bien, mais il ne faut surtout pas en parler. D'ailleurs, faites l'expérience autour de vous : combien savent que les iade existent et ce qu'ils font ? Demandez au patient qui arrive au bloc : le mar lui a-t-il parlé de l'iade ?

Posté : 18 avr. 2008, 19:48
par waffi
Bonjour,

Faut pas s'en faire, les dinosaures se sont déjà éteint une fois.

Posté : 19 avr. 2008, 09:07
par KtKo
Ça fait des années que ça existe, ça fonctionne très bien, mais il ne faut surtout pas en parler.
Ca fonctionne très bien pour ceux que ça arrange.

C'est à dire pour les MAR qui nous lancent des fleurs en salle ("pratique pour le café...") mais des fléchettes lors des congrès de la Sfar. ("si si les iade sont très bien pour la matério-vigilance et les commandes pharmacie...")

Et pour les iade flattés de cette délégation de tâche (et non pas de compétences au sens légal du terme je pense) et non demandeur d'aucune évolution salariale et statutaire.

A ces deux là, il faut bien sûr rajouter tous ceux qui tirent un bénéfice d'une profession qui travaille au delà de ce pour quoi on la paye... sous entendus l'employeur.

enfin bref...on répète toujours les même choses !

Posté : 19 avr. 2008, 10:27
par Christophe.Leroy
C'est sur que "le transfert de compétences administratives" constitue une amélioration de notre profession.Moi,je vois d'autres chemins que nos hauts dignitaires(sic) médecins devraient étudier en transferts de tache :
- Garer leur voiture le matin (IDE voiturier?)
- Récupérer leurs gamins à la sortie de l'école
- Tondre leur gazon et nettoyer leur piscine...
:smt019

La liste peut etre longue...Mais il faudra se remuer pour ne pas faire leur merde et rester digne:le combat va etre dur,j'espère que tout le monde en a conscience et n'hésitera pas à entrer en conflit!
:colere:

Posté : 19 avr. 2008, 12:29
par Mallampatix
...ooh que c'est bien dit.!
sans oublier :
l'iade de café-vigilance
l'ide qui s'occupe des commandes de vienoiseries du matin
l'iade informaticien specialisé des encheres sur ebay (pub...excuse maxime.!)
l'iade matrimonial appelé aussi iade-alibi
j'en passe et des meilleurs...
quelle belle évolution du métier...aaah d'un coup ça va mieux.! :20_grumpy:

Posté : 19 avr. 2008, 12:59
par velolivier
bon, ya pas de doute, il ne faut pas évoluer iade afin d'acquérir un peu plus de reconnaissance et de considération.....
c'est la même merde partout......
il vaut mieux se recycler dans la menuiserie, la mécanique auto, la plomberie etc...... :???:

Posté : 19 avr. 2008, 15:23
par Christophe.Leroy
Velolivier,je n'osais pas le dire!
Il y a tellement d'autres beaux métiers.... :smt031

Posté : 19 avr. 2008, 18:49
par velolivier
euh.... pardon, j'aurais peut-ête dû terminer ma phrase pour un point d'interrogation.......

Posté : 20 avr. 2008, 12:11
par Yves Benisty
Ce que je voulais dire, c'est que le rapport Berland évoque la délégation de compétences. Or c'est ce que font tous les iade dans tous les blocs de France depuis des dizaines d'années. Après une formation supplémentaires et sous certaines conditions restrictives (à condition qu'un mar a examiné le patient, puisse intervenir à tout moment etc.), nous faisons un acte médical, l'anesthésie, sous contrôle médical. Personne n'en parle, ni dans les recommandations, ni aux patients, ni dans les médias.

Cela dit, nous portons une part de responsabilité de cette inexistence : nous ne parlons pas de nous.

Posté : 21 avr. 2008, 18:36
par KtKo
Le rapport Berland dit exactement cela, pour ceux que ça intéressent :
1.3.7 En anesthésie : une répartition des tâches bien identifiée.

Les besoins en anesthésie sont importants dans une société tournée vers le tout sécuritaire.
Ces besoins concernent les activités de soins (l’évaluation pré-opératoire, le suivi per opératoire et post-opératoire immédiat) mais également les activités de conseil dans différents comités : CLIN, Sécurité Transfusionnelle, Douleurs etc.…Les médecins anesthésistes réanimateurs (MAR) étaient au 1 janvier 2002, 9926. Ils subiront une diminution de l’ordre de 35% d’ici 2020.

Aussi la question est posée de savoir si les infirmiers anesthésistes diplômés d’état (IADE) pourraient se voir transférer une partie des compétences des MAR.
Les IADE sont des IDE spécialisés au terme de 3 ans de formation IDE, 2 ans d’exercice et 2 ans de formation spécifique. Ils sont environ 8000 dont 6500 dans le secteur public et 1500 dans le secteur libéral. Leur décret de compétences a été revu en février 2002.

Aussi bien les représentants des MAR (la SFAR) que ceux des IADE que j’ai auditionnés, ne souhaitent pas un élargissement de compétences des IADE.
Ces derniers ont le souci de garder une collaboration étroite avec les MAR et considèrent que leur décret de compétences sont clairs et définissent bien le champ de leurs attributions.


Par ailleurs les IADE ne sont pas disposés à être sous l’autorité et la responsabilité d’autres médecins que les MAR. Ainsi Ils ne sont pas prêts à assurer sous l’autorité des gastro-entérologues, notamment, les anesthésies nécessaires à la pratique d’endoscopies digestives.

Pourtant, les médecins gastro-entérologues considèrent que le transfert de compétences le plus urgent à envisager est celui de la sédation au cours des examens endoscopiques.
En effet les gastro-entérologues considèrent que les examens endoscopiques relèvent dans la plupart des cas plus d’une sédation que d’une véritable anesthésie ou neuroleptanalgésie impliquant la présence des anesthésistes. Ils considèrent que la sédation par le propofol, qui est la plus utilisée, pourrait être administrée par une infirmière spécialisée sous la supervision des médecins endoscopistes.
Dans cette situation il s’agirait d’un transfert d’activités des anesthésistes vers les gastro-entérologues justifié par la simplification des techniques permettant la requalification d’une partie des actes de l’anesthésie au cours de l’endoscopie vers une simple sédation. Les patients et les actes relevant de la sédation ou de l’anesthésie pourraient être clairement identifiés notamment avec le concours des médecins anesthésistes réanimateurs.

Les MAR et les IADE considèrent qu’une meilleure organisation des blocs d’intervention permettrait de libérer plus de temps médical que pourrait le faire un transfert de compétences.

Les MAR toutefois évoquent la possibilité d’aller vers un fonctionnement qui conduirait à ce que un MAR soit responsable de deux salles d’opération en même temps, dans la mesure où un IADE serait présent dans chacune des salles.

La délégation de compétences en dehors des blocs opératoires dans le cas du transport secondaire ou primaire est une activité qui demande selon les MAR et les IADE une évaluation sérieuse.

Posté : 22 avr. 2008, 16:15
par manu1973
Les MAR toutefois évoquent la possibilité d’aller vers un fonctionnement qui conduirait à ce que un MAR soit responsable de deux salles d’opération en même temps, dans la mesure où un IADE serait présent dans chacune des salles.
c'est pas déjà ce qui se passe dans la réalité du publique en dehors de la chir cardiaque? et en privé? c'est pas la regle "du fromage ou dessert "généralisé..;j'ai du me tromper alors...
pour les gastro c'est toujours le meme vieux truc...,pas besoin d'etre un MAR ou un IADE pour pousser un coup de propofol...c'est sur...et puis si ça merde et qu'il faut intuber et bah le mec il a deja le fibroscope en cas d'IOT difficile (prevoir une SIOT de 9 si c'est au cours d'une colo!).
on reve quand meme...

Posté : 22 avr. 2008, 17:28
par E.IADE
C'est un vrai sac de noeuds! Les anesth préfèrent transférer des compétences à des incompétents en anesthésie plutôt que d'accorder plus d'autonomie aux IADE et les IADE n'ont pas envie de voir engager leur responsabilité pour le salaire qu'ils perçoivent avec le risque de déresponsabilisation du MAR en cas de problème......

Posté : 22 avr. 2008, 18:59
par Yves Benisty
Par ailleurs les IADE ne sont pas disposés à être sous l’autorité et la responsabilité d’autres médecins que les MAR. Ainsi Ils ne sont pas prêts à assurer sous l’autorité des gastro-entérologues, notamment, les anesthésies nécessaires à la pratique d’endoscopies digestives.

[...] les gastro-entérologues considèrent que [...] la sédation par le propofol, qui est la plus utilisée, pourrait être administrée par une infirmière spécialisée sous la supervision des médecins endoscopistes.
Il s'agirait en effet de délégation de compétence du mar vers le gastro-entérologue. Pour que ça soit réalisable, il faudrait que les gastro-entérologues aient une compétence en anesthésie...

Ça n'entre pas dans le cadre de la délégation de compétence du rapport Berland. Mais il me semble que nous pourrions proposer d'autres délégations de compétence, en particulier dans le domaine de la douleur et du préhospitalier.

Posté : 22 avr. 2008, 19:07
par Nozinan
Du nouveau : Le NetLobbying porte ses fruits pour les IADE et les IDE qui ont répondus à l'enquête organisée par la HAS sur les délégations, transfert et nouveaux métiers, voici les résultats de cette enquête et les recommandations consultables :

http://www.has-sante.fr/portail/upload/ ... 31_188.pdf

L’enquête sur les pratiques actuelles de coopération

L’enquête lancée par la HAS durant l’été 2007 sur les pratiques actuelles de coopération entre
professionnels de santé montre qu’un certain nombre de coopérations informelles ont aujourd’hui
lieu en France17.

Sur les 334 témoignages recueillis lors de l’enquête sur les pratiques actuelles de coopération
entre professionnels de santé, plus de 180 concernaient des pratiques non reconnues.
Ces dernières peuvent être distinguées selon leur nature :

certaines coopérations relèvent d’une logique de substitution : renouvellement
d’ordonnance par les pharmaciens pour certains patients atteints de maladie
chronique, intervention infirmière dans l’aide urgente (sapeur-pompier et SMUR),
réalisation par une infirmière d’un acte de cathétérisme vasculaire, dépistage par
une infirmière puéricultrice des troubles de l’audition chez les nouveau-nés,
prescription des aides techniques pour les ergothérapeutes, gestion de la douleur
par les IADE, etc.
;
Dans un souci de cohérence, cette hiérarchisation en trois niveaux devra prendre en compte les
spécialités existantes dans le métier infirmier (IADE, IBODE et puéricultrice), ainsi que le métier de
cadre de santé, qui seront alors repositionnés soit en première année, soit en deuxième année de
master
.
Analyses quantitatives

A.1. Les répondants à la consultation Internet

218 réponses

A.1.1 Les réponses par professions

Parmi les 218 réponses, un quart émanent de directeurs et cadres de soins, 30 % d’infirmières dont 14 % d’infirmières ayant une spécialisation clinique, 18 % de masseurs-kinésithérapeutes, 6 % de médecins.

Profession /Nombre de réponses/ (Part dans les répondants)

Cadres Soins –Directeurs de soins 54 (25%)

Masseur -Kinésithérapeutes 40 (18%)

IDE 35 (16%)

IADE 26 (12%)

Médecins généralistes et spécialistes (13 6%)

Autres 6 (3%)

Opticiens 6 (3%)

Étudiants 5 (2%)

IBODE 5 (2%)

Formateurs 4 (2%)

Ergothérapeutes 3 (1%)

Pharmaciens 3 (1%)
Des activités identifiées par les professionnels de santé

Près de 80 % des 218 répondants ont évoqué, souvent très précisément, des activités qui
pourraient être confiées à d’autres professionnels de santé ayant suivi une formation adaptée.
Parmi les opportunités de développement le plus souvent évoquées dans ces réponses, on peut
citer :

le suivi des insuffisants respiratoires par des kinésithérapeutes possédant une
formation spécifique : aérosolthérapie, ventilation, exploration fonctionnelle
respiratoire, spirométrie, etc. ;

en anesthésie, la prise en charge des patients ASA1 par les IADE, la réalisation
d’anesthésies locorégionales ou encore la pose des voies veineuses centrales ;


dans les services d’urgence pédiatrique, consultation de tri et d’orientation par une
infirmière puéricultrice spécifiquement formée, etc. ;

le suivi des malades chroniques et l’éducation thérapeutique par des infirmières
dans le secteur ambulatoire.

B.2 Les éléments insuffisamment traités et les compléments proposés

L’analyse des professions infirmières intermédiaires « existantes » et notamment les
IADE
;

Posté : 24 avr. 2008, 08:57
par bidule
Merci pour cette info

Effectivement, ca semble plutot positif ala vue de cesrésultats...

Attendons la suite,mais apparement,certaines choses semblent pouvoir avancer dans la bonne direction

Posté : 22 juin 2008, 21:55
par Maxime
Le 20 Juin 2008 - (Infirmiers.com) : La profession infirmière est-elle menacée par la récente recommandation de la HAS sur les délégations, transferts, de compétences, tâches, etc ? Oui, répondent deux syndicats infirmiers (FNI et SNPI) rejoints par quelques ordres infirmiers départementaux : formulée sans véritable concertation avec les principales intéressées, la préconisation d’une logique de « missions » mixée à un décret d’actes modifié ouvre la porte aux déqualifications professionnelles et à « toutes les dérives ». Non, répondent d’autres : elle prend acte de la nécessité de faire évoluer la réglementation professionnelle et la concertation reste d’actualité.

Sur le fond : missions et décret d’actes

La discussion est donc focalisée sur deux points, un de fond et un de forme. Sur le fond, elle démarre sur le décret d’actes, prévu par l’article du code de santé publique relatif à l’exercice illégal de la médecine (L-4111-1) qui énumère les actes de soins
Cependant, pour les deux syndicats qui appellent à contester les conclusions de la HAS (le FNI – Fédération nationale des infirmiers, du côté des infirmières libérales, et le SNPI – Syndicat national des professionnels infirmiers, du côté des infirmières salariées), c’est le décret de compétences qui définit en pratique l’exercice infirmier ou, qui, au moins, en est le « garde-fou ». Dans l’état actuel des choses, y toucher revient à prendre le risque d’autoriser des personnes insuffisamment qualifiées à exercer des actes médicaux ou infirmiers, avec un impact sur la sécurité des soins. Sont notamment visés des métiers « nouveaux » préconisés par la HAS (par exemple en gériatrie) ou l’acquisition d’un diplôme infirmier par le processus de VAE (validation des acquis de l’expérience), qui court-circuite le parcours habituel de formation par les IFSI (instituts de formation aux soins infirmiers). Le gouvernement serait d’autant plus enclin à suivre la recommandation de la HAS que son application permettrait de substantielles économies sur les rémunérations infirmières. Enfin, pour l’instant, tout ce qui n’est pas « acté » n’est ni reconnu, ni financé : une logique de missions risquerait d’empêcher la reconnaissance financière demandée pour certaines pratiques infirmières spécialisées de fait.

Présidente du SNIIL (Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux), Annick Touba pense que la recommandation de la HAS a le mérite de poser quelques jalons d’une évolution de la profession infirmière vers une plus grande reconnaissance, notamment grâce à cette logique de missions. Comme le notent certains participants aux blogs et forums infirmiers internet, elle remarque qu’un certain nombre d’actes sont déjà pratiqués de fait par certaines infirmières (à domicile et à l’hôpital, où cela dépend du service où elles exercent) et qu’il est donc important que cela soit reconnu. Pour elle, le processus de nomenclature d’actes est long et restreint le nécessaire élargissement de l’autonomie professionnelle.


Associer décret d’actes et logique de missions : comment ?

Il faut bien noter que sur le fond, tout le monde pense qu’il faut associer décrets d’actes et logique de missions. Les divergences portent sur la mise en œuvre de cette complémentarité. Pour le FNI, il y a un préalable nécessaire : que les infirmiers soient reconnus, comme les sages-femmes, « profession médicale à compétence définie » et qu’à terme, toutes les professions de santé, y compris les médecins, soient sur ce même modèle. Philippe Tisserand (son président) pense qu'en attendant, « il suffit simplement d'inscrire ces missions au rôle propre des infirmières dans le code de la santé publique, comme cela a été fait pour la prescription infirmière, et comme cela va être fait pour la vaccination, de façon très concrète . » Thierry Amouroux (SNPI) considère que « le décret d’acte a été régulièrement réactualisé pour tenir compte de l’évolution des techniques, il n’est donc en aucun cas un frein à la reconnaissance des pratiques avancées : c’est un socle de base qui garanti des soins de qualité réalisés par des professionnels correctement formés. » Mais pour le SNIIL (et d’autres), c’est fixer les missions infirmières qui va contribuer à redéfinir juridiquement la profession, bien que cela ne soit pas suffisant.


Sur la forme : un problème de concertation et/ou de reconnaissance

Sur la forme, les deux syndicats contestataires (FNI et SNPI) déplorent le manque de concertation de la HAS avec l’ensemble des représentants de la profession infirmière et vont jusqu’à l’accuser de « désinvolture » inhabituelle sur la méthodologie suivie : les experts seraient essentiellement ceux de la DHOS (direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins) et de nombreuses affirmations manqueraient de solidité scientifique. Ayant tous deux pris parti en faveur de l’instauration d’un Ordre infirmier, ils craignent que le gouvernement n’attende pas le fonctionnement effectif du conseil national de celui-ci (prévu pour novembre 2009) pour mettre en œuvre des mesures concernant leur profession, dans le cadre du projet de loi sur l’organisation du système de soins prévu pour cet automne. Pour eux, l’empressement est suspect : et s’il s’agissait précisément de se passer de l’avis des infirmières ? Ils ne manquent d’ailleurs pas de dénoncer le manque de considération pour celles-ci dont auraient fait preuve les EGOS (états généraux sur l’organisation des soins). Mais Annick Touba précise que « le SNIIL a participé activement aux EGOS. »

C’est une constante des 128 associations ou organisations syndicales infirmières de constater le peu de cas fait à leur profession par les politiques ou les medias, sauf lorsque les infirmières descendent dans la rue. Sur ce point, elles sont toutes d’accord et il est très difficile de leur donner tort. La discussion sur le décret de compétences rejoint ainsi facilement la revendication d’une filière LMD (licence-master-doctorat) à l’image de ce qui se fait dans de nombreux autres pays, pièce essentielle de la revalorisation de la profession. Mais, pour le SNIIL par exemple, s’il convient d’être vigilant sur les évolutions annoncées, il est important de rester dans un processus de discussion avec les autorités de santé. Le ministère a d’ailleurs assuré que la concertation reste ouverte. « Sauf qu’aucune organisation n’a été entendue sur l’avenir du décret d’actes et que le ministère ne considère pas utile d'intégrer dans son calendrier de concertation les représentations infirmières, comme les médecins, les Fédérations hospitalières et syndicales », répondent la FNI et le SNPI.

Une question de confiance

En définitive, fond et forme se rejoignent sur une question de confiance : actuellement peut-on l’accorder ou non ? Les autorités de santé ne sont elles à la manœuvre qu’avec des considérations « managériales » ou économiques ? Où sont-elles prêtes à accompagner la profession dans l’évolution que celle-ci souhaite en concertation avec les autres professions de santé ? Mais cette dernière question en suppose une autre, qui la complique singulièrement : la profession peut-elle être unie autour d’objectifs communs ? C’est le but de l’Ordre infirmier. Les débats actuels laissent entrevoir qu’il n’est pas certain que la réponse soit évidente ; par exemple, tout le monde s’accorde-t-il pour qualifier la profession infirmière de « médicale » ? Pas sûr …

Serge Cannasse
Infirmiers.com / Carnets de santé
serge.cannasse chez infirmiers.com


Références :

* Décret 2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux parties IV et V (dispositions réglementaires) du code de la santé publique et modifiant certaines dispositions de ce code http://www.legifrance.gouv.fr/affichTex ... &dateTexte
* Pour télécharger la recommandation de la HAS : http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_ ... s-de-sante
* Définition du rôle propre de l’infirmier : http://www.infirmiers.com/doss/role-pro ... irmier.php
* Appel du SNPI : http://www.syndicat-infirmier.com/artic ... rticle=586
* Communiqués de la FNI : http://www.fni.fr/article.php3?id_rubri ... rticle=364 (Egos 2), http://www.fni.fr/article.php3?id_rubri ... rticle=318 (projet de recommandation HAS de décembre 2007), http://www.fni.fr/article.php3?id_rubri ... rticle=308 (VAE et référentiel métier)
* Communiqué de presse APM (avec téléchargement du texte de la pétition) : http://www.infirmiers.com/actu/detail_a ... _news=1524