Information justice ordinale
Posté : 01 déc. 2008, 12:07
Estelle CIVERMAN / MASCFL'action pour citation abusive devant la juridiction ordinale
Un jugement de la chambre disciplinaire de première instance en date du 4 juillet 2008 et un arrêt du Conseil d’Etat du 6 juin 2008 ont condamné des plaignants à payer des dommages et intérêts dans le cas de plaintes abusives.
La compétence de la juridiction ordinale en ce domaine a été affirmée par le Conseil d’Etat puis par les juridictions ordinales.
Pour la première fois, il a ainsi été reconnu qu’une plainte déposée à l’encontre d’un médecin dans le cadre de son activité professionnelle puisse être considérée comme abusive ce qui marque un changement important dans l’évolution de la jurisprudence ordinale et administrative.
L’arrêt du Conseil d’Etat en date du 6 juin 2008 a posé comme principe que le juge ordinal est seul compétent pour examiner des conclusions reconventionnelles d’un praticien demandant à un conseil de l’Ordre des dommages et intérêts pour citation abusive.
Ainsi les juridictions ordinales voient clairement déterminées leurs compétences dans ce domaine.
Les faits sont les suivants :
Un chirurgien-dentiste était en litige avec le conseil départemental de l’Ordre de Paris suite à l’annulation des élections de ses membres.
Le conseil départemental avait alors porté plainte devant le conseil régional de l’Ordre.
Le chirurgien-dentiste estimant cette plainte abusive avait saisi le tribunal administratif de Paris en sollicitant le versement d'une indemnité symbolique en réparation du préjudice subi.
Le tribunal administratif puis la cour d’appel s’étaient estimés compétents pour traiter de cette action.
Le Conseil d’Etat a considéré qu’une action exercée en vue d’obtenir des dommages et intérêts pour citation abusive amène nécessairement le juge à apprécier le fond de l’action dont le plaignant soutient qu’elle a été abusivement engagée.
Le Conseil d’Etat affirme ainsi que le juge compétent pour statuer sur le litige contesté, en l’espèce le litige portant sur l’annulation des membres du conseil départemental, est le seul juge à être compétent pour statuer sur l’allocation de dommages et intérêts portant sur la nature abusive de cette plainte.
Cette demande de dommages et intérêts ne peut être exercée qu’à titre reconventionnel dans le cadre du litige contesté, ces deux actions n’étant pas détachables l’une de l’autre.
Il ressort donc de cette décision que le Tribunal Administratif et la Cour Administrative d’Appel auraient dû se déclarer incompétents pour juger cette demande de dommages et intérêts.
Le Conseil d’Etat s’est prononcé sur l’action engagée par le Conseil Départemental et l’a estimée abusive.
Le chirurgien dentiste a alors obtenu la somme de quinze centimes d’euros.
De plus, le Conseil d’Etat en se fondant sur l’article L761-1 du Code de Justice Administrative a conclu que le conseil départemental de l’Ordre versera au chirurgien dentiste la somme de 6000 euros correspondant aux frais exposés par lui devant les juridictions administratives et n’étant pas compris dans les dépens.
L'affirmation de l'existence de plaintes abusives par la juridiction ordinale
La chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des médecins vient de rendre un jugement en date du 4 juillet 2008 dans lequel la plainte d’une patiente a été rejetée. Celle-ci a été condamnée aux dépens de l’instance d’un montant de 179,40 euros.
De plus, et cela signifie un changement important dans les décisions ordinales, elle a été condamnée au paiement d’une amende de 100 euros au regard du caractère manifestement abusif de la plainte.
En l’espèce, une patiente soutenait qu’un médecin l’avait harcelée au téléphone et s’était fait passer pour un médecin contrôleur de la sécurité sociale.
Le médecin affirmait qu’il avait été mandaté par la société MEDIVERIF pour la contrôler.
Il s’était présenté en dehors des heures de sorties autorisées à l’adresse de la patiente et avait trouvé porte close aussi il avait laissé un message sur le répondeur de la patiente lui demandant de le rappeler afin de fixer un rendez-vous.
Au vu des éléments et des preuves apportées, le conseil départemental de l’Ordre a estimé que les griefs de la patiente n’avaient aucun fondement et que sa plainte devait être rejetée.
Ce jugement s’aligne ainsi sur l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat. Pour la première fois, une juridiction ordinale reconnaît qu’une plainte peut être considérée comme abusive devant l’Ordre.