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Vive le service public!

Posté : 26 mars 2011, 03:47
par célehic
[Superbe article de Tahar Ben Jelloun dans Le Monde du 20/3/2011qui fait l'éloge du service public à l'hôpital: liberté, égalité, fraternité, compétence et solidarité!! A afficher dans nos blocs pour se réconforter lors des gardes de merde où on se demande ce que l'on fait là avec notre salaire de ministre!

Re: Vive le service public!

Posté : 26 mars 2011, 11:48
par Maxime
Article publié le 20 Mars 2011
Par Tahar Ben Jelloun

Source : LE MONDE
Taille de l'article : 944 mots
Extrait :

Quand on me demande ce que j'apprécie le plus en France en dehors des châteaux de la Loire, du Mont-Saint-Michel, de sa gastronomie et des subtilités de la langue de Racine, je dis : son système social. Je viens de faire un petit séjour dans un grand hôpital à Paris. Le service public est formidable. J'ai été un patient heureux, bien soigné, bien traité. Cela n'a rien à voir avec le fait qu'on soit connu. Je peux attester que tout le monde est traité sur le même pied d'égalité. Pas de discrimination, pas la moindre grimace qui serait du racisme, pas de favoritisme ni de passe-droit.
http://www.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ac ... id=1151869

Re: Vive le service public!

Posté : 26 mars 2011, 16:59
par Yves Benisty
L'article est disponible en entier ici.


Je l'ai envoyé à plein de collègues, et je pense l'imprimer et l'afficher au bloc, histoire de nous remonter le moral quand nous serons en train de trimer...


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Quand on me demande ce que j'apprécie le plus en France en dehors des châteaux de la Loire, du Mont-Saint-Michel, de sa gastronomie et des subtilités de la langue de Racine, je dis : son système social.

Je viens de faire un petit séjour dans un grand hôpital à Paris. Le service public est formidable. J'ai été un patient heureux, bien soigné, bien traité. Cela n'a rien à voir avec le fait qu'on soit connu. Je peux attester que tout le monde est traité sur le même pied d'égalité. Pas de discrimination, pas la moindre grimace qui serait du racisme, pas de favoritisme ni de passe-droit. J'ai passé assez d'heures dans divers services, dans des salles d'attente où j'observais les uns et les autres pour pouvoir affirmer que l'hôpital public français est un lieu où la devise de la République prend tout son sens. On pourra y ajouter aussi : compétence et solidarité.

Au début, je notais le nombre de Maghrébins, puis des Africains, puis des Français de souche qui attendaient leur tour pour consulter. J'ai vite cessé ce comptage ridicule. Il n'y avait là que des patients, des personnes âgées, des jeunes, des bourgeois, des ouvriers, des chômeurs. Aucune différence n'est faite entre les uns et les autres.

Les Français ont cette chance que beaucoup de peuples nous envient. La civilisation d'une société se mesure par l'importance qu'on accorde à la santé de ses citoyens quels que soient leur âge, leur religion, leur couleur de peau.

Le personnel soignant dans son ensemble - médecins, infirmiers, aides-soignants - est humain. Par là, je veux dire qu'il n'est pas blasé ni cynique. A chacun, il donne le temps qu'il faut pour s'enquérir de son état, de ses inquiétudes, de son moral. Soigner les autres, c'est réparer le corps, mais aussi apporter au malade une empathie, une compréhension qui ont un effet bénéfique et réparateur sur l'état physique et moral du patient.

Soigner est une vocation, parfois une passion, pas un moyen pour s'enrichir ou pour entretenir son narcissisme. Il existe bien sûr des mandarins, des professeurs de grand talent qui ont aussi un grand ego, mais, à partir du moment où ils enfilent leur blouse et qu'ils travaillent, cet aspect s'évanouit et s'éloigne.

Si je témoigne aujourd'hui sur le service public, c'est parce qu'il est menacé. J'ai lu un peu partout des articles qui tirent la sonnette d'alarme. On veut casser ce système qui fait l'honneur de ce pays, qui est donné en exemple dans le monde, on veut petit à petit privilégier le secteur privé, celui de la médecine payante et rentable. La consigne qui a été donnée est simple : il faut considérer le patient comme un client, donc il faut qu'il soit rentable ; pour cela, on ferme les dispensaires se trouvant en dehors des grandes villes, des maternités, on supprime des lits dans les grands hôpitaux, on fait des économies sur tout. A plus long terme, on finira par assassiner l'hôpital du service public.

Je n'invente rien. Tout cela agite les médecins de l'Assistance publique, les élus et les patients. Mireille Faugère, ancienne responsable du marketing à la SNCF, a été nommée directrice de l'Assistance publique de Paris avec pour mission de réorganiser tout cela. Sa mission est de faire de chaque patient un client devant "préférer" ses hôpitaux, dont la rentabilisation sera assurée par une politique de suppression de milliers d'emplois soignants, par la fermeture de services prestigieux jugés non rentables, comme la chirurgie cardiaque de l'hôpital Henri-Mondor, alors que, parallèlement, on engloutit des sommes pharaoniques en vidant l'Hôtel-Dieu de ses services cliniques pour y abriter une administration pléthorique, ou dans un système d'information conçu pour la gestion administrative et non pour le soin des patients et la recherche clinique.

Quand on parle de Martine Aubry, on évoque systématiquement les 35 heures, qui - il est vrai - ont compromis le bon fonctionnement de l'hôpital en l'absence d'embauches compensatoires. Mais on oublie de rappeler que c'est elle qui a instauré en France la Sécurité sociale universelle. Des chômeurs en fin de droits se retrouvaient sans soins parce qu'ils ne cotisaient plus. Des immigrés, entrés légalement en France puis devenus des sans- papiers à cause de la crise, perdaient leurs droits aux soins. Mme Aubry a réglé cette situation inhumaine.

Aujourd'hui, une certaine droite, plus attachée au libéralisme en économie qu'à l'humain, pousse le gouvernement à rendre le service public obsolète, donnant ainsi aux marchands de la santé et des assurances privées toute possibilité pour exercer et alléger ainsi la facture de la Sécurité sociale. Mme Faugère a déjà instauré des "chambres payantes" (45 euros la nuit) et d'autres non payantes. On commence avec des petites économies pour atteindre d'autres, plus conséquentes. Son rôle est de rentabiliser un service inestimable. C'est aberrant. Un patient n'est pas un client, c'est une personne fragilisée, là parce qu'il est en danger, qui se livre à la médecine parce qu'il s'agit de son corps et de son âme. Ce n'est pas une marchandise ni un dossier anonyme.

Je ne rentrerai pas dans une polémique avec cette dame ; le personnel du service public est assez mobilisé. Mais je voudrais juste lui demander de faire un petit effort d'imagination et de se projeter dans une dizaine d'années : un jour, elle aurait, comme tout être humain, besoin de passer par l'hôpital public. Ce jour-là, si tous ses objectifs ont été réalisés, je ne pense pas qu'elle sera aussi satisfaite ni aussi apaisée que je le suis en ce moment.

La médecine du futur, celle qui se déploie beaucoup en privé, fait la part belle aux gadgets importés du pays où le patient n'est accepté que si sa carte de crédit est bien provisionnée. L'exception française doit faire de la résistance, car tout ce qui est importé d'Amérique n'est pas forcément bon et valable pour tous.




Tahar Ben Jelloun
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Re: Vive le service public!

Posté : 26 mars 2011, 17:28
par heliosvp
Connaissant trés bien les 2 secteurs privé et public, il est on ne peut plus clair que les nouvelles missions des têtes pensantes de l'hopital public sont rentabilité, productivité et gain. Pour l'humain, vous repasserez .... ou pas !

Bel article, on ressent le vécu. Malheureusement, le vision d'avenir est desesperante mais o combien réaliste.

Re: Vive le service public!

Posté : 30 mars 2011, 11:20
par HeartBeat
Bel article certes mais je ne suis pas d'accord du tout avec le passage qui dit que tout le monde est traité pareil : j'ai en stock de très nombreuses anecdotes vécues qui montrent hélas qu'on se fait mieux soigner quand on est de la "maison" ou qu'on a des relations. Vous aussi, sans doute...

Re: Vive le service public!

Posté : 02 avr. 2011, 13:47
par Yves Benisty
HeartBeat a écrit :[...] je ne suis pas d'accord du tout avec le passage qui dit que tout le monde est traité pareil : j'ai en stock de très nombreuses anecdotes vécues qui montrent hélas qu'on se fait mieux soigner quand on est de la "maison" ou qu'on a des relations.
C'est vrai, mais ça ne rentre pas en contradiction avec l'article.

En fait, ce que Tahar Ben Jelloun trouve remarquable, c'est qu'il n'y a pas de discrimination négative, on soigne tout le monde, l'étranger, le clochard, le pauvre, et le riche.

Vous évoquez une discrimination positive, on soigne plus vite le collègue.

Re: Vive le service public!

Posté : 02 avr. 2011, 14:04
par force bretonne
GENTIL MAIS TOUT LE MONDE AU MEME TARIF ....MON CUL ILLUSION VERSE A UNE CELEBRITE ...CF LE SECTEUR PRIVE DES PRATICIENS HOSPITALIER .."LES GUEULES MURES ET LES POUCHETONS " ON VERRA CA LUNDI...VOTRE RENDEZ VOUS DEMAIN VOUS ETES MUTALISTE SINON SECTEUR PUBLIC DANS 3 MOIS AVEC L INTERNE....

Re: Vive le service public!

Posté : 02 avr. 2011, 15:04
par Yves Benisty
L'usage sur les forums déconseille l'écriture tout en majuscule.
force bretonne a écrit :GENTIL MAIS TOUT LE MONDE AU MEME TARIF ....MON CUL
Je pense que l'auteur est bien conscient de l'existence d'une médecine à plusieurs vitesses.

Il ne s'agit pas d'un commentaire négatif mais d'un commentaire positif : nous avons la chance d'habiter dans un pays où n'importe qui peut se faire soigner, sans avoir besoin de montrer son passeport ou sa carte bleue.

Il met en relief le caractère humain des personnes qu'il a rencontrées. Ça ne veut pas dire que tout est rose, mais ça fait du bien de savoir que certains apprécient notre travail.

Re: Vive le service public!

Posté : 02 avr. 2011, 16:53
par Yves Benisty
Tenez, un autre article où on dit du bien de l'hôpital :

http://martinwinckler.com/article.php3?id_article=1037

Un hôpital qui fonctionne normalement, ce n’est pas tout à fait impossible.

Un médecin raconte son cancer

Article du 18 décembre 2010

Tout cancéreux, une fois son diagnostic posé, se trouve confronté à la question : dans quel hôpital aller me faire soigner ?

J’ai assez vite compris (avantage d’être médecin, même quand on s’aventure dans un domaine de la médecine sur lequel on ignorait tout) que la cancérologie est une branche de la médecine exceptionnellement bien standardisée, dans laquelle à tel type et stade de cancer correspondrait tel traitement, et où il n’y aurait pas de différences majeures selon les service que je choisirais.

Je n’accorde aucun crédit aux « classements des hôpitaux et cliniques » publiés par les magazines, car je sais qu’ils ne peuvent pas répondre à la seule question qui vaille : « où ce traitement est-il le mieux appliqué ? », c’est-à-dire : « où les résultats sont-ils les meilleurs, avec le même traitement ? » faute de disposer d’indicateurs de résultats... parce que de tels indicateurs n’existent pas en France, à quelques rarissimes exceptions près (taux d’infections nosocomiales, par exemple).

J’ai donc décidé de faire le choix de l’hôpital traitant le plus grand nombre de cancers (45 000 par an environ), sachant très bien —n’en déplaise aux défenseurs des « petits hôpitaux de proximité »— qu’en médecine, on ne fait bien que ce que l’on fait souvent, qu’on le fait d’autant mieux qu’on le fait plus souvent, qu’à compétences égales c’est l’expérience qui fait la différence, et qu’un très grand débit constitue une garantie d’une grande expérience.

Mais alors surgit aussitôt une hantise devant toute structure hospitalière géante : si je suis un malade lambda parmi des milliers d’autres, les particularités de mon cas ne risquent-elles pas d’être ignorées ? Et ne vais-je pas me trouver à chaque fois devant un nouvel interlocuteur, compte tenu de la multiplicité des intervenants en cancérologie (chirurgiens, anesthésistes, oncologues, radiologues, médecins de l’hôpital de jour de chimiothérapie, etc. —plus les internes qui changent tous les six mois) qui ignorera tout de moi, auquel je devrai tout expliquer à nouveau, en risquant d’oublier quelque chose d’essentiel ?

Il se trouve qu’étant non seulement cardiologue, mais aussi enseignant en gestion des systèmes de santé, je savais que la réponse à cette question revenait à en formuler une autre : « comment le système des informations y est-il organisé ? » ; car —trop de gens l’ignorent— la majorité des erreurs et des dysfonctionnements médicaux ne proviennent pas de l’incompétence des personnels de santé, mais d’une mauvaise organisation, coordination et circulation de l’information.

Et bien je me dois de dire que, sur ce plan-là, j’ai été épaté.

Je n’entrerai pas ici dans les détails techniques (disons simplement que l’utilisation intelligente de l’informatique en est un élément essentiel), mais rien n’est aussi rassurant que de découvrir, chaque fois que vous vous trouvez face à un interlocuteur que vous rencontrez pour la première fois, qu’il sait tout sur vous.

Je me souviens, en particulier, d’une de mes premières consultations préopératoires, celles de l’anesthésiologie ; au départ, sensation d’anonymat, une salle d’attente devant un pool de cabinets de consultations d’anesthésistes, on est appelé chez le premier qui se libère : impression de faire la queue à la poste (« j’espère que je tomberai sur un guichetier compétent ») ; et, aussitôt introduit chez l’anesthésiste, accueilli par un « Ah, voilà notre cardiologue fumeur de pipe ! », comme s’il avait passé sa nuit à étudier mon dossier : extraordinaire sentiment de sécurité que de se rendre compte que, partout où vous alliez, qui que vous rencontriez, l’information complète vous suit, et même vous précède.

Et ceci ne concerne pas que l’information médicale, mais toute l’organisation : coups de fil à mon domicile avant chaque examen (« je vous rappelle que vous passez un PET-scan après-demain, et qu’il faut être à jeun depuis la veille à minuit »), après les séances de chimiothérapie (« nous vous appelons pour savoir comment vous l’avez supportée »), etc.

Ayant traîné mes guêtres dans toutes sortes d’hôpitaux pendant près d’un demi-siècle (en comptant les années d’études), je peux affirmer que ceci est rarissime ; d’où une question essentielle : « Pourquoi ce qui devrait être la règle est-il l’exception ? Pourquoi sommes-nous admiratifs lorsque les choses fonctionnent comme elles devraient toujours fonctionner ? »

Je n’ai trouvé la réponse qu’à partir d’un petit épisode qui n’a l’air de rien, mais qui permet de tout comprendre.

Après mon intervention chirurgicale, j’ai été mis dans une chambre à deux lits, avec promesse de me transférer dans une chambre seule dès que l’une d’entre elles se libérerait.

Tous les soirs, l’infirmière-chef passait en fin de journée, pour savoir si tout allait bien, pas de symptômes nouveaux, etc. Un soir, je lui signale des nausées, mais très supportables.

Le lendemain matin, on me transfère dans une chambre seule, dans un autre secteur du même service ; à un moment donné, se présente l’infirmière-chef de ce secteur, qui me voyait donc pour la première fois de sa vie, et qui me demande : « Et vos nausées, ça va mieux qu’hier soir ? ».

Je ne sais pas si vous vous rendez compte de tout ce que cela implique : non seulement que l’information d’un symptôme somme toute mineur ait été écrite puis transmise, mais que, derrière, il y ait une volonté permanente de contrôle de ce processus sans laquelle il disparaîtrait très vite.

Or rien, dans la culture et la formation des médecins, surtout préoccupés de faire de la bonne médecine (le reste, « c’est de la paperasse ! »), ne les sensibilise à l’importance de ce qui leur paraît aller de soi, mais qui ne peut être que le fruit d’une motivation et d’une surveillance constantes.

Et voilà pourquoi ce qui devrait être la norme reste l’exception.

Le médecin patraque