SNCH et autres magouilles au tribunal ...
par seringuelectrique Aujourd'hui à 12:36
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D’ordinaire, quand un directeur d’hôpital est débarqué, c’est parce qu’il est plutôt incompétent ou parce qu’il aurait eu des pratiques douteuses. L’inverse vient de se produire pour l’hôpital de Poissy-Saint-Germain-en-Laye (Yvelines). Gilbert Chodorge, personnalité reconnue dans le monde hospitalier, devrait être débarqué en début de semaine par Claude Evin, directeur de l’agence régionale de santé d’Ile-de-France, alors qu’il a réussi à diviser par trois le déficit de son établissement. «Absolument incompréhensible», lâche un ancien directeur d’hôpital.
Record. Voilà une histoire déroutante, révélant la vie cachée de nos hôpitaux. L’établissement de Poissy-Saint-Germain est une vaste structure, installée sur deux sites. Jusqu’à récemment, il détenait le record de déficit des hôpitaux français : près de 140 millions d’euros cumulés. Dans ce contexte, en 2008, Gilbert Chodorge, jusqu’alors directeur de l’hôpital de Saint-Denis (et ex-conseiller de Claude Evin lorsque celui-ci était ministre de la Santé, entre 1988 et 1991), y est envoyé en catastrophe pour remettre de l’ordre.
Notre chevalier blanc n’en revient pas. Il vérifie tous les comptes. Et remarque quelques bizarreries dans ce «trou» financier : plus de 70 millions d’euros de factures n’ont pas été recouvrés, faute d’une comptabilité sérieuse. Un rapport de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (Libération du 8 décembre 2009) révèle une incroyable légèreté dans les appels d’offres, au point que le procureur de la République des Yvelines sera saisi, et une information judiciaire ouverte.
Outre ces bizarreries dans les appels d’offres, il y a ce projet de nouvel hôpital qui regrouperait les deux sites actuels de Poissy et de Saint-Germain-en-Laye. Ledit projet, un des plus importants pour l’Ile-de-France, traîne depuis dix ans. Gilbert Chodorge le relance. Peut-être le fait-il sans beaucoup de souplesse ? «Il a pris des coups, raconte le député et maire UMP de Chambourcy, Pierre Morange. Mais il a nettoyé les écuries d’Augias et c’était bien nécessaire.»
Chodorge s’intéresse aussi aux détachements de fonctionnaires payés par un établissement en déficit chronique. L’hôpital de Poissy est champion toutes catégories de cette pratique. Parmi les employés concernés : une secrétaire de l’ancien ministre de la Santé Bernard Kouchner, une autre qui travaille aujourd’hui avec l’actuel ministre, Xavier Bertrand. Ou encore une fonctionnaire employée à la direction de l’organisation des soins au ministère. Toutes sont payées par l’hôpital de Poissy mais n’y mettent pas les pieds. «Certaines années, ces détachements coûtaient plus de 2 millions d’euros à l’hôpital», relève un ancien responsable. Un record en France.
Comment expliquer de telles pratiques ? Jusqu’à l’arrivée de ce nouveau directeur, Poissy a toujours été dirigé par une personnalité appartenant au Syndicat national des cadres hospitaliers (SNCH), l’organisation professionnelle historique des directeurs d’hôpitaux. Une organisation cocasse, jouant sur de multiples réseaux. Sans compter qu’au moins trois de ses anciens responsables ont été poursuivis pour escroquerie. Deux ont été condamnés, dont l’un en novembre 2000 pour corruption dans une affaire liée à des appels d’offres truqués. Pourtant, le SNCH reste intouchable, il est omniprésent dans tous les organismes statutaires. Dans le cas de Poissy, les liens sont historiques. Manifestement, Gilbert Chodorge aura manqué de doigté. Est-ce suffisant pour le débarquer ? En trois ans, il a fait passer le déficit de 37 millions d’euros à 11 millions pour 2010.
«Sac de nœuds». «Nous avons considéré qu’aujourd’hui, il était souhaitable qu’il quitte cet établissement», affirme Claude Evin. Et de raconter : «La situation dans les Yvelines est très compliquée, très tendue. C’est un sac de nœuds invraisemblable, les interactions de réseaux sont complexes. Tout le monde s’y perd. Je souhaite que cet établissement retrouve une certaine sérénité. Gilbert Chodorge a fait un excellent travail, mais je le redis, c’est de son intérêt qu’il sorte de cet établissement.» Claude Evin conclut : «C’est un dossier complexe, avec des menaces physiques et des manipulations nombreuses.»
Avis aux postulants : la vie dans les hôpitaux n’est pas toujours un long fleuve tranquille. Aux dernières nouvelles, le cabinet du ministre de la Santé a repoussé la suspension du directeur. On attend avec impatience la suite.