Jean-Marc IADE "je me vends au plus offrant"

L'actualité de la profession et son évolution

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Nozinan
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Jean-Marc IADE "je me vends au plus offrant"

Message : # 72628Message non lu Nozinan »

à lire et commenter sur Rue89:
http://www.rue89.com/2013/10/16/jean-ma ... ant-246601
Jean-Marc endort les gens en flux tendu : intérimaire, il fait régulièrement des semaines de 72 heures. « Personne ne se souvient de nous. »

Jean-Marc Lombard, 43 ans, est un peu pilote de ligne. Sauf que l’avion, c’est le patient, étendu en blouse bleue sur le brancard du bloc opératoire. L’endormissement, c’est le décollage, et le réveil, l’atterrissage. Entre les deux, vient le pilotage automatique, mais les turbulences ne sont pas rares.

La particularité de Jean-Marc, c’est son statut d’intérimaire. Un choix qui lui permet de bien mieux s’en sortir économiquement que ses collègues permanents :

« Je suis comme un mercenaire, je me vends au plus offrant. »

Une alternative pour lui conséquence d’une profession sous-estimée.

« Personne ne se souvient de nous »
Jean-Marc a tous les jours des vies entre les mains. Si l’infirmier-anesthésiste travaille sous le contrôle du médecin, il est présent tout au long de l’intervention. C’est lui qui accueille le patient, l’informe, le rassure et « prépare le terrain ». Il est censé ne pas le quitter des yeux jusqu’au réveil. Jean-Marc a parfois le sentiment de travailler dans l’ombre :

« Personne ne se souvient de nous. On déclenche une amnésie. Sauf quand on explique au patient qu’à son réveil, il ne se souviendra plus de nous. Là, le cerveau fait l’effort de nous garder en mémoire. »

Jean-Marc intube le patient et lui injecte trois produits :

•la morphine, pour prévenir la douleur de la chirurgie ;
•le curare, qui entraîne une paralysie du système respiratoire ;
•et un hypnotique, dont l’effet anesthésiant est rétrograde.
En salle de réveil, le patient a oublié la voix grave de Jean-Marc, qui comptait 20 secondes à rebours, ou son tatouage dans le cou.

« Faire des ménages » : monnaie courante
Formé par l’hôpital de Versailles, il aurait dû y rester pendant cinq ans à essuyer des journées de douze heures sans broncher. Mais au bout de trois, Jean-Marc a réussi à faire racheter son contrat par l’hôpital de Saint-Cloud. Il touchait alors 2 200 euros par mois, gardes et week-end inclus. Pour mettre du beurre dans les épinards de ses trois filles, il travaillait en parallèle pour une société d’assistance. Il y faisait du rapatriement sanitaire :

« Il m’est par exemple arrivé d’aller chercher un patient à Bangkok. A deux avec le médecin et 90 kg de matériel sur les bras. Dans ce genre de situation, où l’on s’occupe du patient pendant 24 heures, on est un peu perçu comme un sauveur. Ça a quelque chose d’agréable. »

Mais Jean-Marc étant à l’époque salarié de l’hôpital Saint-Cloud, cette pratique était illégale :

« Dans le métier, on appelle ça “faire des ménages”. C’est très courant, le tout est de ne pas se faire prendre. »

Surveillance d’un patient pendant huit heures
Aujourd’hui, Jean-Marc est intérimaire à temps plus que plein. Un statut de plus en plus commun parmi les 8 993 infirmiers-anesthésistes de France. Si avant, l’intérimaire était plutôt « celui qui travaillait mal », il est désormais celui qui gagne le plus. C’est en grande partie ce qui a décidé Jean-Marc à opter pour l’anesthésie en mode « mercenaire » : un meilleur salaire et un planning variable.

S’adapter n’est pas toujours facile, mais la forte demande lui permet de poser certaines conditions :

« Je ne me déplace pas à plus d’une heure de chez moi et ne fais jamais de Paris intra-muros, c’est trop compliqué en voiture. Si un lieu ne me plaît pas, je n’y retourne pas. Il m’est arrivé de me retrouver à surveiller un patient pendant huit heures sans pouvoir ni manger, ni même pisser. J’ai directement dit que je ne mettrai plus les pieds dans cet établissement. »

Par contre, mieux vaut ne pas tomber malade, il ne toucherait pas d’indemnités journalières. Il faut aussi s’organiser pour les vacances. Mettre du temps et de l’argent de côté. Cet été, Jean-Marc s’est offert deux semaines avec ses filles au Cap Ferret. Le tout sans se priver. Mais malgré de bons revenus, il ne fait pas d’énormes économies et sait qu’il ne touchera pas une grosse retraite :

« D’ici une petite dizaine d’années, je vais devoir songer à une reconversion. Car à ce rythme-là, je ne tiendrai pas. »

Depuis le 1er octobre 2013, le Collège français des anesthésistes réanimateurs (CFAR) a mis un numéro vert à disposition de ses praticiens et de leurs familles, qu’ils soient médecins ou infirmiers. Ce dispositif fait suite à une enquête de 2009 qui révélait un taux particulièrement élevé de burn-out au sein de la spécialité. En cause ? Une responsabilité énorme et des horaires à rallonge.

Questions/réponses
•Quel est votre contrat ?
J’ai un CDI de 60 heures par mois dans une société d’assistance. Je travaille dans une clinique pour laquelle je fais six à dix vacations par mois, et pour une boîte d’intérim pour laquelle j’en fais quatre à six par mois.

Je travaille donc dans plusieurs endroits différents, même si la boîte d’intérim essaie de nous fidéliser en nous envoyant toujours dans les deux ou trois mêmes établissements.

•Quel est votre salaire ?
Je gagne entre 3 500 et 5 000 euros net par mois. Selon les établissements, on nous paye entre 24 euros et 33 euros de l’heure. Personnellement, je demande un taux horaire de minimum 25 euros. En dessous, je préfère rester chez moi. Travailler en clinique paie mieux, mais par contre il n’y a pas de prime, ni de treizième mois.

•Quels sont vos horaires ?
Il m’arrive de travailler du lundi au samedi non-stop, de faire des semaines de 72 heures. Par exemple, au mois d’août, j’ai travaillé 270 heures. Je suis divorcé depuis peu, et peut-être que si je ne travaillais pas autant, ma femme ne m’aurait pas quitté pour quelqu’un d’autre.

Je peux faire des journées de 8 heures comme de 24 heures, mais disons que la norme est de 12 heures. En cas d’urgence, il nous arrive de passer jusqu’à 7 heures en salle sans sortir.

En hôpital, les règles sont très strictes. Je peux passer 4 heures à surveiller un patient stable. Alors qu’en clinique, les infirmiers-anesthésistes sont autorisés à confier le patient au panseur, le temps d’aller prendre un café ou de préparer le prochain.

•Quand quittez-vous votre tenue de travail ?
Je porte un pyjama, des sabots et une bavette de bloc. Je suis un des rares à avoir encore mon propre calot, histoire d’être un peu original. Je dis souvent que dans mon métier, on se lève tôt le matin pour se remettre en pyjama et regarder des gens dormir.

Mais quand j’entre au vestiaire, je mets ma tenue et y laisse mes problèmes. Je change d’attitude même physiquement. On accueille la détresse des gens, c’est important d’être empathique.

Quand je quitte le travail, c’est la même chose, il faut laisser tout ça de côté. Comme beaucoup d’anesthésistes, j’ai une passion. Je suis un fana de photo. Ceux qui ne pensent qu’à leur travail et acceptent tout ne s’en sortent pas.

•Quel rôle estimez-vous jouer ?
Un rôle primordial dans la prise en charge globale du patient. Contrairement au chirurgien, je ne m’occupe pas seulement d’un organe. La plupart des gens ne sont jamais entrés dans un bloc opératoire, il faut se montrer rassurant, leur expliquer, leur prendre la main.

•Votre travail vous demande-t-il un effort physique ?
On soulève des patients jusqu’à dix fois par jour, qui pèsent entre 40 et 130 kg. Aujourd’hui, le matériel a évolué, ce qui rend les choses un peu plus faciles qu’avant.

Mais surtout, on est debout toute la journée à faire des allers-retours et à piétiner. Avec les collègues, nous nous étions amusés à nous mettre un podomètre : on fait en moyenne 13 km par jour.

•Votre travail vous demande-t-il un effort mental ?


Les douleurs de Jean-Marc
Comme nous calculons les dosages, il faut faire un peu de maths. On utilise beaucoup la règle de trois, pour savoir combien de milligrammes injecter.

Ensuite, il y a deux phases de grande concentration. Il faut surveiller le patient de près, regarder s’il transpire ou s’il pleure pour s’assurer que le dosage est bon. Dans ce métier, il y a beaucoup d’adrénaline, on peut ressortir mentalement très fatigué.

Le rapport avec les médecins est parfois difficile. Certains perçoivent encore les infirmiers comme des nones. La plupart des infirmiers-anesthésistes ont un caractère fort. Le bloc opératoire est un milieu fermé, on y est confronté à de grands professeurs qui méritent évidemment d’être respectés, mais ont parfois un comportement épouvantable.

•Où votre travail laisse-t-il des traces sur vous ?
J’ai parfois des douleurs de dos, ou les jambes lourdes. Certains de mes collègues portent des bas de contention, mais moi pas.

•Avez-vous l’impression de bien faire votre travail ?
J’essaie au maximum. On est parfois fatigués, et c’est dur d’être empathique. Mais on ressort souvent content d’avoir su redonner le sourire aux gens. Lorsque je travaillais aux urgences comme infirmier, c’était différent. On y est beaucoup plus confronté aux récriminations. En salle de réveil, le patient a rarement mal, il est le plus souvent satisfait.

•Si vous deviez mettre une note à votre bien-être au travail, sur 20, quelle serait-elle ?
J’essaie d’aller au 18/20, mais je n’y arrive pas toujours. Chacun à ses problèmes personnels et on ne peut pas toujours s’impliquer à 100%. C’est aussi un métier dont les techniques évoluent fréquemment et qui demande une grande adaptation. Mon objectif, c’est la satisfaction du patient et qu’il ressorte du bloc vivant.
Capitaine Cousteau
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Re: Jean-Marc IADE "je me vends au plus offrant"

Message : # 72630Message non lu Capitaine Cousteau »

Je cite :
"Dans le public, les régles sont strictes, mais dans le privé l'IADE est autorisé à confier la surveillance du patient à la panseuse le temps d'aller boire un café."

L'IADE autorisé à confier la surveillance à une IBODE ?.....

Je ne pense pas que le terme "d'autorisation" soit le plus juste...

Il aurait fallu écrire "dans les hôpitaux publics, les régles sont respectées. Pas dans le privé".
fabrice
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Re: Jean-Marc IADE "je me vends au plus offrant"

Message : # 72631Message non lu fabrice »

ça...je pense pas que ce soit toujours très juste non plus, c'est comme le discernement, ce n'est pas une règle.
tiboy76
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Re: Jean-Marc IADE "je me vends au plus offrant"

Message : # 72632Message non lu tiboy76 »

Capitaine Cousteau a écrit :Je cite :
"Dans le public, les régles sont strictes, mais dans le privé l'IADE est autorisé à confier la surveillance du patient à la panseuse le temps d'aller boire un café."

L'IADE autorisé à confier la surveillance à une IBODE ?.....

Je ne pense pas que le terme "d'autorisation" soit le plus juste...

Il aurait fallu écrire "dans les hôpitaux publics, les régles sont respectées. Pas dans le privé".
Bah oui, c'est bien connu que dans le publique on travaille bien et que dans le privé on risque sa peau à chaque instant...

Cliché, quand tu nous tiens....
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Bruno huet
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Re: Jean-Marc IADE "je me vends au plus offrant"

Message : # 72634Message non lu Bruno huet »

Bonjour
Le Capitaine a raison sur le point critique de cet article.
Le fait de rompre la surveillance continue d'une anesthésie est plus que critiquable et non conforme aux textes de 1994 et des bonnes pratiques.
Je pense que vous auriez pu faire l'économie de ce passage, même si cela arrive parfois lorsque la salle de café est à trois mètres de la salle.
Cordialement
tiboy76
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Re: Jean-Marc IADE "je me vends au plus offrant"

Message : # 72635Message non lu tiboy76 »

Ce que je critique, moi, c'est le préjugé publique/privé ;)
iadesp06
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Re: Jean-Marc IADE "je me vends au plus offrant"

Message : # 72636Message non lu iadesp06 »

Pour tester les deux, privée et public, je dois reconnaitre que je vois un peu plus le MAR dans le public, enfin, c'est plus MAR dépendants. Et puis, il va boire le café, bon, j'en connais certains dans le public qui le faisaient aussi.
Je peux même me souvenir d'un IADE, en réa, qui, le matin, nous laissait ses malades et allait faire son tiercé au bar en face de l'hosto, peu importe la charge de travail.
Autrement, je lui trouve une certaine honnêteté à ce garcon.
Sinon, lisez les commentaires de cet articles, la bétise humaine, la jalousie, l'ignoarance, et la méchanceté me font toujours rire, et ceux là m'ont fait hurler de rire, un peu jaune des fois quand même.
Capitaine Cousteau
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Re: Jean-Marc IADE "je me vends au plus offrant"

Message : # 72638Message non lu Capitaine Cousteau »

tiboy76 a écrit :Ce que je critique, moi, c'est le préjugé publique/privé ;)
Le préjugé, c'est jugé "avant". Moi je juge sur les propos que je reprends.

Et je n'ai pas donné d'éléments qualitatif. Je n'ai pas dit "bien" et "pas bien" ; j'ai juste dit "respectueux des règles".
Mister Hyde

Re: Jean-Marc IADE "je me vends au plus offrant"

Message : # 72639Message non lu Mister Hyde »

Deux conceptions de l'offre de soins, avec des rémunérations, motivations différentes.

Ce qui serait interessant par exemple, de nos chers IA qui font des ménages dont certains se vendent "au plus offrant" ou ont exercé dans les 3 sortes de secteurs, c'est en définitive de nous dire:


1) où (des 3 secteurs Privé-PSPH-Public) ils y iraient se faire opérer/endormir ou leur enfant-conjoint en se faisant absolument passer pour un simple quidam...

2) J'ajouterais pour corser la difficulté...avec le même opérateur.

:smt025
protolo
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Re: Jean-Marc IADE "je me vends au plus offrant"

Message : # 72640Message non lu protolo »

Il a au moins le mérite de décrire une réalité vécue par beaucoup...
Pas par vous ??
protolo
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Re: Jean-Marc IADE "je me vends au plus offrant"

Message : # 72641Message non lu protolo »

Ce gars à au moins le mérite de parler d'une réalité , pas celle de tous , certes, mais une réalité quand même .
Je ne pense pas qu'il s'attendait à être repris par les "ténors" de laryngo sur un débat public privé ou autre.
Ou est le temps max où nous échangions sur ce site , en famille, vivement parfois, sans chercher à qui avait le savoir , sans écraser systématiquement celui qui ne plaisait pas au bureau politique du Web.
ou est le temps de paris , à tâter du crs , pour une cause noble.
Je fait des remplas,(de moins en moins, je vieillit...), je n'adhère pas à tout ce qui est dit , mais je respecte un frère iade pour être honnête en tous cas ....
Ne l'écrasez pas les gars , si vous avez vous aussi fait quelques "brocantes", vous vous reconnaîtrez sûrement ;)
Lolo
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Re: Jean-Marc IADE "je me vends au plus offrant"

Message : # 72643Message non lu didu974 »

un pote MAR me disait pour une histoire d'article: ne dis jamais la moitié de ce que tu dirais à ton meilleur ami a un journaliste.............pour l'histoire du café et des panseuses il y a peut etre aussi deviation des propos retranscrits dans l'article !! Cet IADE a t-il eu un droit de relecture de l'article avant parution ...........et le journaliste n'est surement pas un mec specialiste de la science !!! aprés les interviews le journaliste peut dire ce qui veut dans son article par une mauvaise comprehension des propos de la personne ...............l'ayant vecu il y a une dizaine d'années ça fait tout drole !! nuançons donc les jugements !!
Nozinan
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Re: Jean-Marc IADE "je me vends au plus offrant"

Message : # 72644Message non lu Nozinan »

Absolument, pour avoir donné des interviews (et continuer à en donner), il est vrai qu'entre ce que tu dis et ce qui est restranscrit il y a parfois un sacré écart, et le journaliste ne comprends pas pourquoi tu t'énerves quand dans sa tête il a simplifié ou synthétisé tes dires... bref.
Je ne trouve pas que le débat s'enflamme sur ce post où que quiconque tente d'écraser qui que ce soit..
Evidemment que ce genre d'article fait réagir, je ne sais pas pour l'heure s'il sert ou dessert la profession, mais ce collègue a le mérite d'être honnête..
Rappelons que 80% des IADE ne font pas de "ménages" (Cf rapport IGAS) et que sans ces activités annexes que realisent certains d'entre nous, beaucoup de l'activité de certains plateaux techniques ne pourrait pas être absorbé (ReCf. rapport IGAS)
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