Mon statut : IADE APHP, statut équipe : 100% gréviste, 100% assignés et effectif minimum les journées de mobilisation nationale IADE
Je vous propose ci-dessous mon point de vue et mes idées sur la suite à donner, compte-tenu des événements déjà survenus
Etat des lieux
les actions et les résultats vus de l'extérieur
Depuis le début de notre mouvement, il y a un refus net de toute négociation, de la part du gouvernement, exprimé par :
- Des rendez-vous annulés
Des engagements non respectés
Des pièges tendus en concertation avec les forces de l’ordre nous obligeant à nous exprimer de façon non conventionnelle
Le coup médiatique a seulement permis :
- De nous faire connaître du grand public (les gens ont pris conscience de notre existence sans savoir pour autant à quoi on sert ni la raison profonde de notre mouvement). Cependant, même si les médias présentent correctement nos revendications, notre mouvement se limite pour le quidam à une demande d’augmentation salariale (cf remarques du public sur les forums) et n’aboutit à rien pour nous.
A Bachelot de s'exprimer, pour la première fois, aux IADE et à l'opinion publique, en voulant faire croire que les IADE ont obtenu satisfaction. Néanmoins, elle raconte n’importe quoi en nous interdisant, par la censure, tout droit de réponse
Hormis l’attrait éventuel des médias, qu’espérer de plus de nouvelles manifestations sauvages ou intégrer à d’autres mouvements interprofessionnels ?
les actions et les résultats vus de l'intérieur
En période normale, l'effectif journalier d'anesthésistes et d'internes au planning du bloc opératoire est bien moindre que celui mis en place lors de nos journées de grève nationale : comment se fait-il ?
Des opérations non-urgentes programmées sont maintenues
Des chefs de service de chirurgie et d'anesthésie refusent d'entendre nos revendications
Les chefs de service d’anesthésie, y compris certains anesthésistes, jouent un double-jeu. Ils
- Soutiennent le mouvement des IADE du bout des lèvres
Maintiennent le programme opératoire et cèdent par lâcheté, à la pression des chirurgiens
S’arrangent pour nous rendre responsables de leur conflit politique avec les chirurgiens.
- Nous sont perçus comme des fauteurs de trouble
L'activité opératoire est réalisée presque intégralement.
On se moque de nous
Les décisionnaires ne sont pas tous sur le terrain mais s’arrangent pour que les IADE et les anesthésistes de terrain se tirent dans les pattes
Notre action n'est pas crédible et se saborde d’elle-même sans que les responsables et leurs privilèges soient inquiétés
Nous sommes contraints de poursuivre à long terme notre action de grève sans aucune perspective de succès
Certains d’entre-nous se posent de réels cas de conscience professionnelle, victime de la pression du gouvernement, qui met en avant la crise financière et notre indiscipline, et de celle des chirurgiens qui parlent de mission de service public.
En se mobilisant, la baisse de l’'activité opératoire n’est pas proportionnelle à la baisse de notre effectif, y compris les journées de mobilisation nationale. Là est le problème.
Un nombre extrêmement restreint d'hôpitaux obtient un taux d'assignation à minima à l'échelle d'un dimanche ou jour férié alors que la plupart des équipes sont grévistes à 100% et exigent des assignations à minima les journées de manifestation nationale.
Le gouvernement dénonce un décret de compétences flou et incomplet, une formation théorique insuffisante, des montants de salaires bruts sans préciser s’ils sont bruts ou nets.
Etc…
Ils (médecins anesthésistes et politiques) s’appuient sur notre action pour légitimer la fameuse réforme visant à nous rétrograder et à nous supprimer en montrant que les opérations peuvent avoir lieu sans IADE.
Comment obtenir gain de cause ou comment ne plus être manipulés ?
Pour que notre mouvement aboutisse et que la reconnaissance soit effective, il faudrait :
- qu'aucune activité opératoire ne soit programmée en notre absence.
démontrer l'importance de notre rôle au bloc opératoire et ailleurs (SAMU, équipe analgésie, formations des infirmiers et des futurs infirmiers anesthésistes, …)
démontrer les risques encourus par les patients en notre absence.
Le gouvernement a pour mot d’ordre de faire des économies. Mais au-delà de faire des économies sur les paramédicaux comme nous, il y a urgence à en faire aussi auprès des médecins anesthésistes sur :
- les dépenses engendrées (par exemple, dans le public : dépenses excessives en matériel superflu, emploi fictif, …)
les profits (par exemple, dans le privé : près de 90% des anesthésies avec honoraires libres en chirurgie ambulatoire est réalisée par des IADE seuls)
Par ailleurs, la démographie à venir des anesthésistes sera de plus en plus favorable à l’entrée de médecins étrangers originaires de la communauté européenne et aussi des pays du Maghreb et d’Asie, pour la plupart déjà moins rémunérés que les IADE (donc pourquoi augmenter des IADE alors qu’il y aura des anesthésistes moins chers ?)
Concrètement, l'objectif n'est plus de se faire connaître de l'opinion publique. La poursuite de notre action n'aura une chance d'aboutir que sur le terrain, au sein des blocs opératoires, et non plus en étant dans la rue et encore moins en étant hors la loi.
Proposition pour la poursuite du mouvement en augmentant nos chances de succès tout en restant professionnel
Puisque les médecins anesthésistes ont pris l’habitude que nous exécutions à la fois notre travail et le leur, je propose que nous les mettions face à leur responsabilités et que nous ne fassions plus que ce pourquoi le protocole nous destine. En agissant de la sorte, et sans se mettre en faute, nous avons les moyens de contraindre les médecins anesthésistes à être quasiment en permanence à la tête du patient à nos côté, les empêchant de fait de vaquer à des occupations diverses (par forcément liées au domaine médical) et d’être responsables de plusieurs sites d’anesthésie simultanément. Certains seront ravis et d’autres moins…Sachant que dans beaucoup d’hôpitaux, chaque médecin anesthésiste couvre au moins deux sites d’anesthésie différents, nous pouvons, sans faire grève ou en étant gréviste assigné à 100%, et en restant professionnels, réduire près de moitié l’activité opératoire programmée dans beaucoup d’hôpitaux sur tout le territoire français.
Comment y parvenir : ne pas chercher le conflit, ne pas répondre aux provocations éventuelles, rappeler les rôles et les faire respecter, avoir le courage de bousculer les mauvaises habitudes,…
Quelques idées à appliquer au quotidien :
- Demander des prescriptions pour tout produit médicamenteux qui ne serait pas sur protocole valide et pour toute réinjection pré, per et post-opératoires (ne pas anticiper avant l’arrivée des MAR et des patients dans les préparations de solutions médicamenteuses)
Ne plus réaliser les prescriptions
Ne plus réaliser les actes d’anesthésie locorégionales pour ceux qui les réalisaient intégralement
Refuser d’injecter un produit que l’on n’a pas préparé soi-même
Arrêter de participer à la formation des internes en les priant de s’adresser à leur responsable
Appliquer les recommandations, et les temps impartis à ces recommandations, en matière d’hygiène (lavage de mains, décontamination des matériels, dilution des détergents, …) entre chaque patient et à la fin de programme
Faire correctement des check-list en début de programme et entre chaque patient
Faire les pleins des dispositifs médicaux et des consommables entre chaque intervention et non en per-opératoire
Arrêter de courir
Exiger les temps de pause réglementaire et des heures de déjeuner après 11h 30 et avant 14h par exemple
Respecter les nécessités impérieuses physiologiques
Ne faire qu’une chose à la fois
Ne pas oublier les péremptions, la traçabilité et le compte soigneux des stupéfiants
A compléter par toute idée dans le respect de notre décret de compétences tel qu’il est écrit actuellement (le ministère et les médecins savent le lire, à nous de lire aussi en notre faveur)
- Les erreurs et les malveillances commises par les médecins anesthésistes et les internes (exemple : défaut de prescription d’analgésie postopératoire)
Les périodes où nous sommes seuls au bloc et les initiatives prises (dates, horaires, numéro de salle, noms des personnes, …)
Nous sommes transparents car nous faisons leur boulot. En ne faisant pas leur boulot, nous devenons visibles. Et si cela n’a pas l’effet escompté, au moins nous aurons remis les pendules à l’heure en nous permettant d’accéder à des conditions de travail moins pénibles, plus en accord avec notre rémunération et le niveau d’étude pour lequel nous sommes reconnus.
En agissant ainsi, nous permettrons également aux anesthésistes d’apprécier pleinement tout ce que nous anticipions auparavant et qui, au fil du temps, est devenu un dû. De plus, en leur permettant de voir les erreurs des internes, les médecins anesthésistes pourront se rendre compte de leurs lacunes et de leur manque d’autonomie (mauvaise dilution, méconnaissance des respirateurs, des posologies, des antibioprophylacties, des recommandations de la SFAR dans les conduites à tenir des situations critiques (séquence rapide, intubation difficile, hypoxémie), …). Ils pourront ainsi leur apporter les connaissances pour former de meilleurs anesthésistes.
Si le mouvement avait été soutenu d’emblée, dans le fond et dans la forme, par tous les anesthésistes, nous aurions déjà obtenu gain de cause et l’atmosphère au sein des blocs opératoires serait moins pesante.
J'attends vos avis sur tout cela
Bonne soirée
PS : et que la force soit avec nous !